Après avoir littéralement révolutionné le cinéma de science-fiction avec 2001 le grand Stanley Kubrick réalise en 1971 A Clockwork Orange, chef d'oeuvre du Septième Art portant à son apogée la fable d'anticipation. S'emparant du roman culte et pour le moins original d'Anthony Burgess ( qui constitue déjà une excellente matière première ) Kubrick retranscrit la quintessence du cinéma dystopique, parvenant à garder l'esprit du roman tout en y amenant son style inimitable, à la fois unique et parfaitement maîtrisé.
Du roman de Burgess Kubrick reprend la quasi-totalité de la trame, tout en conservant l'emploi du langage nadsat par le jeune héros Alex Delarge et sa bande de droogies ; il maintient intelligemment le point du vue très subjectif de la narration puisque le film nous est raconté, à l'instar du roman, à travers la voix d'Alex : plongée mentale dans le cerveau d'un jeune délinquant assoiffé d'ultra-violence, de sexe et de Beethoven A Clockwork Orange s'impose, de manière certes très appuyée et démonstrative, comme une oeuvre théorique proprement lucide et visionnaire, parfois expérimental, souvent pessimiste, artistique toujours.
De tous les films de Stanley Kubrick A Clockwork Orange reste sans nul doute celui dont la structure narrative brille le plus par sa cohérence et sa maîtrise : rigoureusement symétrique, fonctionnant par un jeu d'échos laissant pratiquement sur le carreau le neuvième long métrage de Stanley Kubrick doit probablement beaucoup au potentiel du roman d'Anthony Burgess... Et pourtant l'interprétation mythique du jeune et intense Malcolm Mac Dowell, l'excentricité des décors et des costumes, le montage formé d'images mentales et d'audacieuses ellipses et surtout les arrangements musicaux de Walter Carlos accouplés aux images d'une rare puissance visuelle font de A Clockwork Orange un film à thèse dépassant son sujet, au profit de l'expérience et du pur cinéma.
Entre Rossini et sa Gazza Ladra épousant quelque joyeux toltchocke, le minois penaud du regretté Warren Clarke, la 9eme Symphonie de Beethoven accompagnant perversement des images semblant avoir été filmées par Leni Riefenstahl, l'étrangeté du Korova Milkbar ou encore le visage furibond et inoubliable de Patrick Magee A Clockwork Orange était vraisemblablement destiné à devenir un film culte au cours des âges. Véritable incontournable du cinéma des années 70 A Clockwork Orange est un film à revoir inlassablement, certes provocateur et parfois de mauvais goût mais toujours brillant et mémorable. Extraordinaire !