L'histoire de la lutte impitoyable contre l'homme et l'animal, le combat d'un marin qui ne vit que pour sa vengeance. Et face à lui, un cétacé mystérieux, personnification du Tout Puissant et cauchemar des marins. Maintenant, imaginez que les rôles soient inversés. Et si ce n'était pas Achab qui cherchait à accoplir sa vengeance, mais le cachalot. Et bien le cinéma nous a pondu une telle histoire, et c'est le père du film Conan le Barbare qui l'a produite !
Orca est donc un film italo-américain réalisé par Michael Anderson, connu pour une adaptation cinématographique de 1984. Non, pas celle avec John Hurt.
Le film se déroule à Terre-Neuve, où une chercheuse spécialiste en cétacés rencontre un capitaine de navire de pêche qui capture des gros animaux marins pour les revendre à des parcs aquatiques. Ce dernier tente de capturer une orque pour se faire un max de thunes, mais l'opération vire au cauchemar : la femelle capturée ne survie pas et elle met bas au moment où elle est tirée hors de l'eau. Le mâle orque, furieux et désemparé, décide de se venger du pêcheur, et Dieu sait que les épaulards ont le sens de la vengeance.
Souvent comparé aux Dents de la Mer sorti deux ans plus tôt, ce film est en réalité bien différent, même si l'histoire d'un animal marin tueur a bel et bien été faite pour capitaliser sur le film de Spielberg.
Là où dans Jaws le requin est un pur méchant, tueur sanguinaire sans pitié, dans Orca, l'épaulard a un véritable caractère et est presque antropomorphisé. Tous comme les étudiants au début du film, le spectateur apprend tout un tas de choses sur ces cétacés : machines à tuer intelligentes, présentes sur toute la surface du globe, vivant en société et monogame, c'est tout un exposé qui peut nous faire changer notre vision des choses sur la fameuse baleine blanche et noire. Et contrairement à Bruce (le requin des Dents de la Mer), le réalisateur créer de l'empathie envers l'orque. Elle a beau être impressionnante voire presque terrifiante par moment, on ne peut s'empêcher d'avoir le coeur serré lorsqu'elle transporte la dépouille de sa partenaire jusqu'au rivage. Et que dire de ses cris stridents qui percent les oreilles des marins et brise le silence de la mer ? J'ai rarement eu autant d'empathie pour un animal au cinéma.
J'ai vu pas mal de monde décrire ce film comme un nanar. Et pour être honnête, je ne vois vraiment pas ce qu'on peut reprocher à ce film !
Enfin, si. Je peux comprendre qu'une orque qui cherche sa vengeance en détruisant des bateaux et en faisant sauter des tuyaux de gaz puisse paraître un peu tiré par les cheveux, mais le film ne tombe jamais dans le ridicule. L'épaulard est introduit comme étant naturellement intelligent et doté d'un esprit de vengeance, et pour une fois les infos données par un film sont véridiques ! L'histoire ne semble pas inspiré de faits réels, et j'ignore si des évènements similaires ont déjà eu lieu dans la vraie vie réelle, mais j'ai trouvé certains passages si plausibles que ça en devient effrayant.
On accepte bien qu'un être humain sacrifie tout ce qu'il a pour accomplir sa vengeance, alors qu'y a-t-il d'idiot à ce qu'un mammifère de quatre tonnes deux fois plus intelligents en fasse autant ?
Petit point sur la musique, composée par Motherfuckin' Ennio Morricone.
Si elle n'a rien d'exceptionnelle en soit, elle est d'une qualité certaine. Des passages aux sonorités très seventies rencontrent des compos assez angoissantes où les violons couinent comme les appels à l'aide des épaulards.
Si ce métrage est incomparable au premier gros succès de Spielberg, il me semble beaucoup plus logique de le comparer à Moby Dick d'Herman Mellville (d'où la subtile introduction de cette chronique).
Une histoire de vengeance, un conflit entre l'homme et la nature qu'il tente de dompter, un marin obsédé par ue quête inachevée, un cétacé intelligent qui semble intuable, bref, les grandes lignes sont là. Mais on peut creuser encore plus, et on se rend compte que l'histoire du cachalot albinos est intimement liée à celle de l'orque vengeresse. Les deux créatures se battent contre des hommes qui ont détruit ce qu'elles avaient de plus cher : les autres membres de leur espèce.
Elles ont également une importante conotation biblique et religieuse. L'orque est crainte dans les croyances indiennes, et Rachel Bedford cite le roman de Mellville avec une phrase puissante :
Si Dieu revenait sur Terre, se serait sous la forme d'une baleine.
Et dans les deux cas, la bête finit par triompher sur l'homme après une traque effréné où le poursuivant a perdu tout ce qu'il avait. Le capitaine Nolan finit broyer sur la glace des icebergs, et Achab sombre dans l'océan au milieu de nulle part. Le voyage s'achève dans le sang, et il est fort probable que le marin sait à l'avance que la lutte est perdue d'avance.
Entre le film d'aventure, le récit d'épouvante et le conte biblique, Orca est un super film sur le milieu marin. Injustement considéré comme une oeuvre fade, il s'agit pourtant d'un récit épique, remplit d'images fortes. Si vous aimez les récits nautiques comme moi, alors je ne peux que vous inviter à voir ce long-métrage.
Et rappelez-vous : la nature sait se venger. Elle sait à quel point les hommes sont attachés à ce qui les entoure, et elle sait comment faire effondrer le petit monde matériel et égoïste de ces bipèdes qui se prennent pour Dieu.