Sur le papier, Orca a tout d’un ersatz de Les Dents de la Mer : un prédateur aquatique avide de chair, une traque maritime menée conjointement par un pêcheur expérimenté et une biologiste marine. Mais la comparaison s’arrête là. Réalisé par Michael Anderson et produit par le nabab Dino De Laurentiis, qui entendait là surfer sur la vague de la sharkploitation avec un animal « plus coriace et terrible que le requin blanc », Orca se situe aux antipodes du classique de Steven Spielberg.
La grande force - et l’originalité – de ce film est de ne pas épouser seulement le point de vue humain, incarné ici par un capitaine irlandais qui, au large de Terre Neuve, capture des espèces marines afin de les revendre aux aquariums les plus offrants, mais également celui de l’animal. Introduit comme un personnage à part entière, au point de verser dangereusement dans l’anthropomorphisme, l’épaulard mâle occupe une place importante durant les quinze premières minutes du métrage, jusqu’à cette émouvante séquence de funérailles de la femelle orque massacrée lors de sa capture ratée par Nolan. Orca tourne ensuite au duel psychologique où la vindicte du mammifère marin et les blessures intimes du capitaine Nolan se répondent dans un dialogue impossible, dévoilant peu à peu les richesses insoupçonnées d’un récit finalement loin d’être bateau. L’interprétation de Richard Harris est d’ailleurs pour beaucoup dans la vérité émanant de son personnage. Porté sur la bouteille, l’acteur d’origine irlandaise a en effet longtemps nourri des regrets concernant sa carrière américaine selon lui peu satisfaisante sur le plan artistique. Un ressentiment qui crée, d’après le critique Philippe Guedj*, une profonde connexion entre l’interprète et son rôle. En face, la jeune Charlotte Rampling, dans la peau de cette scientifique experte en orque, fait pâle figure.
Si Orca apparaît donc comme un drame psychologique qui ne dit pas son nom, il se doit cependant de surenchérir sur Les Dents de la Mer en terme de spectacle pur. Ainsi, les scènes d’attaque de l’orque se succèdent et s’intensifient au fil des minutes, portées par un montage qui rend leur lecture malheureusement parfois très confuse. De même, le travail de composition du maestro Ennio Morricone, très inspiré lorsqu’il s’agit d’évoquer la beauté mélancolique du littoral et des ballets subaquatiques exécutés par les cétacés, se révèle sans véritable éclat lorsqu’elle se doit d’annoncer l’imminence des charges de l’orque revanchard. Visuellement, Orca se présente comme moins soigné que son homologue. Des défauts qui ont scellé son destin dans la presse, considéré par les critiques de l’époque au mieux comme une « simple tentative de copier Les Dents de la Mer », au pire comme « un mélange absurde de Moby Dick, King Kong et Les Dents de la Mer ». Le temps est désormais passé, et aujourd’hui, beaucoup semble réhabiliter ce film certes imparfait, mais non dénué d’intérêt.
* propos extrait du bonus présent sur le blu-ray 4k disponible chez Studiocanal