Certains films méritent d’être remis dans leur contexte pour que l’on puisse en mesurer l’impact. C’est le cas d’Orfeu negro récipiendaire de la palme d’Or à Cannes en 1959 devant Les quatre cents coups et de l’Oscar du meilleur film étranger en 1960. Transposer le mythe d’Orphée dans une ambiance aussi euphorique et libérée que celui du carnaval de Rio de Janeiro faisait preuve d’originalité. Faire appel à des non acteurs brésiliens pour interpréter les personnages a été perçu à l’époque comme un choix audacieux qui faisait écho à la vague anticolonialiste qui déferlait sur le monde à la fin des années 50. La personnification de la mort par une silhouette masquée dissimulée dans la foule où tout le monde porte un déguisement pour l’occasion s’inscrivait parfaitement dans le courant symboliste de l’époque. Même si François Truffaut incluait Orfeu negro parmi les œuvres fondatrices de la Nouvelle vague, avec le temps, le film de Marcel Camus a pâli et s’avère moins achevé que celui de son confrère. Si le choix de la distribution contribuait à la singularité de la production à l’époque, des décennies plus tard, c’est davantage l’amateurisme dans le jeu des comédiens qui ressort. Par contre la direction musicale confiée à Antõnio Carlos Jobim a enfanté d’un univers enivrant qui s’est déployé dans le temps : La bossa nova. La pièce Manha de Carnavale composée par Luiz Banfa est un hymne à l’amour gravé dans la mémoire collective qui permet à elle seule de revoir le film avec Felicidade !