Osen la maudite par Gewurztraminer
Osen la Maudite s'impose comme un superbe portrait d'héroïne fragile, une récurrence thématique bien éloigné loin de la misogynie larvée que l'on associe trop souvent au genre. Au coté de Tatsumi Kumashiro, Noboru Tanaka s'imposa comme le grand auteur à émerger du studio et su développer son traitement des figures féminines dans un style subtil et singulier. S'attachant à la trajectoire brisée d'une ancienne courtisane de luxe, Osen la Maudite prend ancrage dans un bordel délabré d'Edo où des âmes en peine viennent s'échouer dans les bras de prostituées impassibles. Exploration de l'aura trouble de Osen, courtisane maudite qui semble porter malheur à quiconque la côtoie, le film de Tanaka prend les rails d'une évocation d'un monde flottant où se fondent passion violente, mélancolie et trivialité, pour finalement trouver son identité dans sa veine poétique et désenchantée aménageant la rencontre du terrestre et du surréel. Tanaka construit la mythologie d'une femme étrange et vénéneuse au regard de la faune qui s'agite autour d'elle. Les personnages masculins fascinés par sa beauté lascive y trouvent un havre de jouissance mortelle autant qu'une muse, source d'inspiration au travers de laquelle un peintre d'estampe tente de sonder les forces impalpables du désir. Loin de s'inscrire dans un propos misérabiliste, l'œuvre utilise son cadre sordide pour faire rejaillir le romantisme désenchanté de son héroïne résignée mais presque sereine dans sa condition. Dans sa déchéance et son isolement au sein même de ce microcosme, Osen s'affiche comme une certaine figure libertaire, son indifférence face au malheur, son cynisme affiché comme carapace face aux obligations d'un monde terrestre dont elle s'aménage de manière détachée. Un personnage complexe, et non sans contradiction, sur lequel Tanaka peint la toile d'un érotisme théâtralisé et intériorisé pour chanter la sexualité comme force indépassable de libération et d'exultation. Une approche cérébrale tout à la fois poétique et triviale, peuplées d'images mentales et de symboles dont l'influence surréaliste est manifeste. Un petit monde triste et étrange que Tanaka capte avec une maestria certaine, ses intérieurs calmes et étouffants aux caméras voyeuses contrastant avec la mobilité des extérieurs et ses travellings récurrents. Un univers teinté de pourpre, couleur froide mais toujours vive qui matérialise ici à merveille cette frontière indistincte entre vie et mort.