La France, mademoiselle, la France du Général de Gaulle

Deuxième mouture du personnage Hubert Bonisseur de la Bath alias OSS117, le célèbre agent secret de Jean et Josette Bruce par Michel Hazanavicius. Trois ans après "Le Caire, nid d'espions".

Ce film est, de la même façon, une parodie des films d'espionnage. o

Le scénario s'inspire plus que librement des romans – très sages – de Josette et Jean Bruce. Ici, c'est la traque d'un nazi réfugié au Brésil. Et il se trouve qu'il est associé au Mossad pour retrouver ce personnage. Mais au-delà du strict scénario, c'est un véritable festival de beaufitude en tous genres : lieux communs, préjugés, misogynie, homophobie, racisme, antisémitisme … tout y passe.

Le problème que j'y vois est qu'il y a vraiment deux lectures de ce film. Soit, on le prend au premier degré, et on est partagé entre un sentiment de honte (de regarder ça, d'entendre des réflexions plus que border line) et une consternation devant un personnage aussi débile. Soit, on suit attentivement le film en ne perdant absolument pas le second degré permanent voire parfois le troisième degré, les fines allusions et on rit franchement à gorge déployée.

Ces deux options ne se commandent pas. Personnellement, je ris beaucoup en voyant ces deux films de Hazanavicius et en suivant les turpitudes d'OSS 117.

Alors que, par comparaison, je reste complètement de marbre en regardant un film de Monty Python ou une screwball comedy. Allez savoir pourquoi !

Je m'interroge toujours beaucoup sur les raisons ou les causes qui font qu'un film, un sketch, une scène va me déclencher un sourire puis un rire. Et c'est un vrai mystère pour moi car beaucoup d'humoristes ne me font pas du tout rire sur des sujets potentiellement amusants tandis que je ne résiste pas avec d'autres sur une simple réflexion, un regard appuyé, une simple posture. Je pense que je dois rire plus facilement si j'aperçois le second degré dans un dialogue qui prend à contre-pied ce qu'on voit directement à l'écran.

La scène où Dujardin discute de sa mission avec Pierre Bellemare, le patron du SDECE. L'heure n'est pas à la rigolade. Le sujet est très grave.

En substance, Bellemare lui dit qu'il lui faut récupérer une liste de français qui ont collaboré avec les nazis.

Dujardin, très sérieux, constate que cette liste doit être très courte car "De Gaulle a dit que toute la France avait été résistante".

Bellemare, sentencieux et sans rire, ne peut que répondre, "oui, en effet, De Gaulle a bien dit ça".

Mais le talent d'Hazanavicius utilise bien d'autres ressources. Il pastiche certaines scènes d'autres films chez Hitchcock comme "La mort aux trousses " (scène dans l'ascenseur, etc ) ou "vertigo" mais aussi des films de James Bond (scène de Sean Connery en peignoir qui s'allonge sur le lit, etc ). On trouve même un clin d'œil à Indiana Jones avec l'avion sans pilote.

Comme la reprise de la fameuse tirade de Shylock d'une pièce de Shakespeare réécrite pour un nazi qui est désopilante. Si on ne connait pas la tirade, c'est sûr qu'on doit trouver la scène complètement débile.

Mais le scénario et les fines allusions ne seraient rien sans le formidable jeu de Dujardin pince sans rire, qui aligne les réflexions inappropriées, blessantes avec le plus grand naturel. Il n'y a pas non plus que les dialogues, il y a aussi les postures (l'arrivée triomphale à la piscine de l'hôtel sous le regard admiratif des nanas, encore un pastiche d'un James Bond).

"Rio ne répond plus" est un film que je trouve toujours jubilatoire avec un humour renouvelé par rapport au premier opus, "le Caire, nid d'espions" …

- Et comment vous appelez un pays qui a comme président un militaire avec les pleins pouvoirs, une police secrète, une seule chaîne de télévision et dont toute l’information est contrôlée par l’État ?

- J’appelle ça la France, mademoiselle, et pas n’importe laquelle, la France du Général De Gaulle.