Othello est la deuxième œuvre shakespearienne d'Orson Welles après Macbeth, deux tragédies shakespeariennes fondamentales dans la filmographie d'Orson Welles, lui qui durant toute sa vie ne cessa de clamer son admiration pour le grand dramaturge anglais. MacBeth parlait d'ambitions et de folie. Othello quant à lui traite de la jalousie, de toutes les jalousies, celle de Iago (le génial Micheál Mac Liammóir) jaloux du succès et du pouvoir d’Othello, celle de Rodrigo amoureux de Desdemona, celle du sénateur Barbantio et père de Desdemona en colère contre sa fille ... mais la plus aveugle de toutes les rancœurs est bien celle du général Othello "le Maure de Venise" (Orson Welles, son visage grimé en noir) envers son épouse Desdemona (la belle Suzanne Cloutier) et qui sera fatale pour nos deux héros têtes d'affiche.


Comme pour Citizen Kane, Orson Welles décide de démarrer son film par la fin, puis d'expliquer les évènements sous-jacents au moyen du flashback. Le film débute donc par les funérailles du général maure Othello et de la belle et douce (et blanche) Desdemona, tandis que le perfide Iago est enfermé dans une cage sous les huées de la foule. Le message est clair, nous sommes dans une tragédie grec. La mécanique du récit est alors implacable et l'écriture ciselée avec un grand respect du texte original. Après avoir vu le film, on se dit qu'il serait impossible de déplacer la moindre réplique ou le moindre plan, tellement tout est parfaitement huilé dans le montage. Il y a bien quelques faux raccords d'ici delà dans le montage, mais c'est parfaitement pardonnable quand on connait les difficultés de production et le faible budget du film. MacBeth fut tourné en trois semaines, tandis que le tournage d'Othello s'est étiré sur plus de deux ans et il aura fallu encore deux ans de plus pour en parfaire le montage. Avec tous les changements d'acteurs, tous les changements de lieux filmés, c'est un miracle qu'il n'y ait pas plus d'incohérences dans le visuel et dans le découpage des plans.


Othello débute son récit par la fin comme Citizen Kane et comme dans Citizen Kane, ce prologue est magistral dans sa mise en scène. Décidément, Orson Welles rate rarement ses entrées en matière pour ses propres films. Les funérailles du général Othello et de son épouse Desdémone sont filmés sur plusieurs plans, à différentes échelles, avec un jeu d'ombres et de lumières magnifique. On ne distingue que les silhouettes du cortège dans un décor construit sur des lignes de fuite. La photographie de cette séquence joue sur l'opposition du blanc et du noir, les ombres sont très noires et le ciel très blanc. Toute cette séquence est magistralement mise en scène et un peu comme dans Citizen Kane, Orson Welles aura bien du mal à maintenir ce très haut niveau de réalisation durant tout le film.


L'interprétation d'Orson Welles est ici moins flamboyante et plus dans la retenue qu'à l'accoutumée. Son Othello est moins grandiloquent que son MacBeth, bien que certains de ses monologues soient terriblement efficaces. Il en est de même pour le personnage de Desdemona, elle aussi en net retrait du récit. Suzanne Cloutier n'en reste pas moins magnifique et impressionne par sa beauté dés qu'elle apparait à l'écran. Non, le vrai personnage central de cette tragédie, c'est le maléfique Iago. Micheál Mac Liammóir est parfait et donne beaucoup d'épaisseur et de crédibilité à son personnage, dans un rôle pourtant terriblement casse-gueule. Au final, on se souviendra de Iago comme l'un des méchants les plus marquant du cinéma.


Bref, Othello c'est un film d'une beauté à couper le souffle et d'une force émotionnelle sans équivoque. Après un MacBeth déjà très réussi, Orson Welles repousse encore plus loin les limites de son génie et nous offre là une œuvre à placer très haut dans sa filmographie.


A voir absolument, le documentaire Filming Othello de et avec Orson Welles ... www.youtube.com/watch?v=1tUv4lED7ao&ab_channel=cineufsc

Créée

le 18 août 2021

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lessthantod

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