Lorsqu'on regarde un film, on est très rarement à remettre en question la légitimité d'un réalisateur à réaliser le film qu'on voit, surtout quand celui-ci a un accumulé une grande expérience. Ari Folman a réussit à s'imposer comme un poids lourd de l'animation d'auteur international en étant dans le cercle très fermé des réalisateurs de films d'animations dont leurs créations ont été sélectionnés au festival de Cannes. Tout d'abord avec Valse avec Bachir avant la consécration avec Le Congret, le réalisateur israélien a su se construire une réputation qui a crée une véritable attente à la vu de son prochain film, Où est Anne Frank ! pour que finalement, le film soit une petite déception.
On ne peut pas nier une certaine maitrise technique qui envoute et transporte du début à la fin. Tout le film se passe dans une 2D au style graphique singulier et attrayant. On a même des jeux entre la 2D et la 3D avec notamment des scènes rappelant des scènes de Le monde incroyable de Gumball où un personnage en 2D est en vue subjectif dans un décors 3D. On a beaucoup de créativités qui est très rafraichissante, surtout dans le monde du cinéma d'animation actuel. On peut craindre à première vu d'un manque de contraste dans les contours et les couleurs, mais les contours et les couleurs sont assez finement réalisés pour que cela paraisse comme une identité visuelle vraiment belle, et non un défaut qui nous repousserait. Cependant cette singularité a des limites lorsque l'on cherche à représenter des personnages plus imparfaits comme Peter du monde réelle qui semble être plus vieux avec un visage étrangement marqué qui perturbe et n'arrive jamais à passer tant cela se détache trop de la propreté et de la finesse des autres personnages. Surement que cela devait représenter le côté marginal et hors système du personnage mais il parait juste moche et dégueux face à des personnages mieux pensées qui arrivent à être repoussant sans paraitre dérangeant. La musique est très belle et on se laisse porté par la poésie du film qui est vraiment agréable. Mélangeant tour à tour les phases fantasmées et les phases réelles, le film accumule les bonnes idées et s'évertue à faire voyager tout en nous retranscrivant le récit d'Anne Frank qui est plutôt bien mis en valeur. Allant au contraire des idées faussés que l'on peut avoir sur Anne Frank, le film souligne le caractère d'Anne Frank dans sa bonté mais aussi dans ses défauts pour ne pas iconiser Anne Frank mais montrer le portrait d'une jeune adolescente auquel on peut se rattacher émotionnellement car étant profondément humaine. Anne Frank avait du caractère, avait ses petites envies de jeunes adolescentes de juger tous les garçons et de se sentir la plus appréciée, et ce côté imparfait a un sens a une utilité car cela apporte une force incommensurable de représenter une personne réelle plutôt que créer une personnalité presque christique pour potentiellement nous faire ressentir des émotions. Le portrait d'Anne Frank renforce même le propos du film: Il faut arrêter de se créer des portraits tronqués d'Anne Frank et il faut regarder en face les faits. Enfin toute l'adaptation du roman d'Anne Frank est passionnant car adapté pour que l'on ait pas à souffrir d'un côté épistolaire qui émettrait les à côtés et ne traiterait le récit que par le prisme de ce qu'Anne a pu dire à Kitty dans son journal. Finalement le film est pas si mauvais lorsqu'on le prend dans un prisme purement documentaire... sauf que cette parti n'occupe pas une assez grande parti pour que cela en fasse un bon film.
L'un des dernier atout du film est de ne pas vouloir se restreindre à une lecture "simple" du journal d'Anne Frank, mais c'est ce dernier point qui me pose problème. Le soucis n'est pas tant de vouloir apporter son interprétation et sa lecture du journal d'Anne Frank. Le film part d'une bonne intention en voulant parler d'un univers fictif où Kitty prend vie dans la vrai vie et déambule dans Amsterdam afin de retrouver Anne Frank, et confronter une ville d'Amsterdam (idolâtrant Anne Frank) avec la figure même des idées de Anne Frank. Cela nous offre des scènes qui pouvait être intéressant. Le soucis étant que le film est raté dans son écriture et que rien ne va. Rien ne va d'une part par rapport à la manière qu'a le réalisateur de définir son univers. Si on peut reconnaitre des bonnes idées comme le fait que Kitty doit retourner dans le livre pour se "recharger" comme pour entretenir sa mémoire, il faut en permanence faire l'effort d'ouvrir et de fermer le journal pour nous obliger à le ré-ouvrir pour redécouvrir la figure de Kitty, l'univers en tant que tel et les logique qui le rythme n'ont aucun sens. Pourquoi Kitty est invisible dans l'appartement et pas à l'extérieur ? Comment elle fait pour porter des objets ? Mais aussi et surtout, le film, le film apporte sa lecture du journal d'Anne Frank car si le journal témoigne de la vie des juifs qui ont fuit la persécution, le discours s'est trop banalisé et n'est pas mis en pratique à notre époque lorsqu'il s'agit d'aider des personnes migrantes qui fuient la guerre et la violence pour survivre. Arrêter d'avoir une version tronqué d'une icône, voir tous les aspect, et ne pas dénaturer le propos. Et mon soucis est que si le discours et le propos est juste, la manière de le traiter et son exécution est affreusement bas de plafond avec d'énormes sabots, rappelant presque un enfant d'école primaire, découvrant qui est Anne Frank, qui essaye vaguement de parler de sujet qui le dépasse. Le personnage de Kitty est affreusement naïve et si la naïveté est justifié par le fait qu'elle découvre une époque qu'elle ne connait, cette naïveté est pris beaucoup trop au 1er degré, dans recul ni réflexion, décrédibilisant toute action entrepris par Kitty. Kitty va donc rencontrer Peter, un punk du monde moderne qui fait les poches aux visiteurs du musée Anne Frank, et qui, grâce à lui, va apprendre ce qui est arrivé à Anne, et va se battre pour que les idées de Anne soit respecté à notre époque, lorsque des migrants africains sont menacés d'expulsion par la ville. Le soucis est que le réalisateur va pour forcer les traits afin d'avoir un propos engagé et fort, mais celui-ci étant bas de plafond, on perd en attachement et on voit le propos comme mal placé. Et là on en vient à ce que je disais en introduction car ce qui fait, pour moi, le plus gros problème du film, c'est le manque total de légitimité de son réalisateur à faire ce qu'il fait. Il se trouve que Kitty commence à avoir une romance avec Peter le punk alors que, je le rappelle, c'est un mec qui fait les poches des visiteurs du musée Anne Frank. A travers ça, et à travers le fait que Kitty va chercher à se cacher et se fondre dans le décors en portant des vêtements plus branchés et actuels, on sent une volonté du réalisateur de s’approprier Kitty, d'en faire ce que bon lui semble... et cela en vient totalement en contradiction avec le propos même du film. Tout le film te hurle de manière assez bête et méchante, à la limite du donneur de leçon, que l'on ne doit pas s'arrêter au fait de vouloir entretenir les idées d'Anne Frank sans enlever ni ajouter ce qu'elle a dit. Sauf qu'en traitant le personnage de Kitty de cette manière, le film fait totalement l'inverse. Cette figure de Kitty, née de l'imagination d'Anne et des différentes figure de cinéma aimé par Anne, se retrouve totalement interprété et sorti de son contexte pour, effectivement, critiquer ceux qui n'entretiennent pas les idées d'Anne Frank, mais en interprétant quand même. Le film parle de respecter la figure d'Anne Frank ainsi que ses idées, mais il ne respecte même pas la figure de Kitty qui se retrouve ridicule à cause de nombreux moment où le film part trop dans le premier degré. On a une scène dans un commissariat, affreusement longue et gênante, où Kitty doit expliquer mot à mot qu'elle s'appelle Kitty, juste Kitty, et qu'elle cherche une fille disparu, dont le prénom est Anne, et dont le nom est Frank. Le tout avec un regard jugeur et mal placé critiquant même ceux qui mettent en scène Anne Frank alors que le film fait exactement la même chose. On a une scène dans un théâtre où Kitty, outré que les gens ne suivent pas à la lettre le journal, se lève et s'exclame que ce n'est absolument pas le contenu du journal alors que, encore une fois, on est en présence d'un film qui adapte le journal d'Anne Frank en mettant en scène Kitty comme amoureuse d'un punk qui fait les poches. On a au final ce sentiment de voir un film faux, qu'on croirait presque dénué de bon sentiments, cherchant à interpréter de manière un peu malsaine le journal d'Anne Frank pour avoir un propos qui perd en intensité par le manque de légitimité à traiter du sujet. On a bien une lecture fidèle et efficace du journal avec une belle tentative de porter un propos d'actualité sur le journal d'Anne Frank, mais tout le film résonne comme une tentative un peu égoïste et nombriliste de s'approprier un texte important et fort pour créer un film sans nuance et oubliant le respect de l’œuvre originale.
8,75/20
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