Qu’un film invoque l’histoire de Robert le Bruce et chez moi le réflexe est immédiat : je me remémore « Braveheart », je vibre « Braveheart », je hurle « Braveheart »…
(…parfois aussi je hurle « Libeeeertééééééé ! », mais ça dépend de la lune.)


La référence pourra sembler hasardeuse au premier abord tant cet « Outlaw King » joue une carte beaucoup moins grandiloquente et académique que l’Oscar du meilleur film de 1995. Pourtant, à bien y regarder, l’intention de fond de David McKenzie n’est finalement pas si éloignée que cela de celle de Mel Gibson.


On y retrouve d’abord ce goût pour l’épopée du brave face au tyran ; cette opposition entre d’un côté la malice et l’abnégation de David contre de l’autre côté les colonnes impitoyables de Goliath. On y retrouve aussi ces combats rugueux qui ramènent les hommes à cette soupe primaire faite de sang et de boue. On y retrouve enfin ce choix d’atténuer toute cette rudesse par la douceur d’une histoire d’amour qui parvient à naître au milieu de toute cette brutalité. (…Histoire d’autant plus douce quand celle-ci est servie par l’adorable Florence Pugh. Soupir…)
Et de cela, clairement, « Outlaw King » parvient à en tirer une limpidité, un équilibre et un élan plus qu’appréciables.


Néanmoins, « Outlaw King » est bien plus qu’une simple suite / déclinaison de « Braveheart ».
Il est même tout autre chose, sillonnant au fond sur un chemin assez éloigné de celui emprunté par le William Wallace de Gibson.


Loin des contrées chatoyantes filmées vingt-cinq ans plus tôt, l’Ecosse d’ « Outlaw / King » est un théâtre bien plus poisseux et bien plus terreux.
Un rendu particulièrement saisissant que l’on doit en grande partie à une photographie absolument sublime qui restitue tout aussi bien la mélasse des territoires que la fureur iconisée des batailles.


De même l’Ecosse d’ « Outlaw King » est bien plus lourde.
Elle exerce une pesanteur bien plus marquée sur les hommes.
Le parcours du Bruce de McKenzie commence d’ailleurs à genoux.
On ne nous présente pas un jeune paysan heureux et naïf que la guerre vient bousculer. Ici, le héros est déjà repu de guerre, usé, vaincu. La rébellion chez lui n’est pas un cri de colère et de vengeance mais plutôt une obligation éthique qui a su subsister malgré l’amertume et les désillusions.
Ainsi n’assiste-t-on pas à une banale épopée tragique d’un homme qui partant de rien, va se hisser dans une puissante envolée lyrique pour ensuite chuter, laissant malgré tout derrière lui survivre une idée. Non « Outlaw King » est juste l’histoire d’un homme qui a mis un genou à terre et qui cherche simplement à se redresser.
Un simple geste c’est vrai. Mais un geste qu’on nous présente comme dur, long et prisonnier d’un terrible poids.
Un geste qu’on nous présente comme admirable à lui seul.


Et puis surtout, cette Ecosse est terriblement plus sauvage.
Sauvage d’abord dans ces scènes d’exécutions sommaires où les corps sont lacérés et démembrés de manière très explicite ; scènes d’autant plus saisissantes quand, comme c’est le cas à un moment donné, l’exécution se fait sous le regard et les cris d’une jeune enfant à qui on avait su épargner jusqu’alors les horreurs de la guerre.
Mais sauvagerie aussi et surtout dans cette manière pernicieuse et insidieuse de brouiller les valeurs. Dans cette Ecosse d’Edouard Ier tous les repères sont tombés en même temps que tous les principes. Les codes de la chevalerie n’existent plus. Aux délations répondent les coups de couteaux.
Des amis peuvent devenirs des ennemis. Des soldats peuvent devenir des bandits. Des rois peuvent devenir des brigands…
Cet ensauvagement qui participe grandement à l’atmosphère presque oppressive de ce film en est peut-être même le marqueur le plus prégnant de l’identité de cet « Outlaw King. » Un trouble des valeurs d’ailleurs présent jusque dans le titre – « Outlaw / King » – écrit non sans hasard avec une oblique lors du générique…


D’une certaine façon, ce « Outlaw King » a quelque-chose de bien plus « écossais » que « Braveheart ». Il exprime bien davantage cette échine courbée. Cette sensation de ne plus avoir beaucoup de chez-soi chez soi. Cette amertume à voir comment le poison ennemi monte les clans censés être amis les uns contre les autres. Et de cela le film en tire une véritable identité. Une indéniable force.


Alors certes, « Outlaw King » n’est pas en soi une révolution mais il a le mérite d’être méticuleux dans sa forme et sobre dans son fond. Le genre de métrages plus qu’honorables pour lesquels je ne peux qu’avoir de l’affection.
Et là où les épopées oscarisées peuvent faire valoir leur panache, les productions honorables auront toujours pour elles le mérite de la justesse.

lhomme-grenouille
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le 15 mai 2020

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