Avant de me jeter à corps perdu dans ma critique, je vais resituer le cas Del Toro et le propos tenu par rapport à son dernier né. Le réalisateur mexicain, qui n'est pas foncièrement partisan de ce genre de production, répète assez souvent sa façon d'opérer selon le public qu'il vise (« quand je tourne des films espagnols - Le Labyrinthe de Pan » ; et d'autres de ses oeuvres qui incarnent un style de cinéma davantage tourné vers l'anglophonie). Avec Pacific Rim, il dit avoir eu autant de libertés qu'avec un projet personnel.
Les inspirations et les multiples références de Pacific Rim lorgnent énormément du côté japonais et de la culture qu'on peut y trouver, sous toutes ses formes. Dans sa jeunesse, G. del Toro a baigné dans cet univers (Gigantor, Ultraman, Patlabor, et quelques autres encore, sont des franchises qu'il affectionne).
On ne peut inévitablement pas faire abstraction du mythique Godzilla qui exprime à merveille les prémices des kaijus et l'engouement qu'ils ont suscité. Je ne vais pas m'attarder plus que ça, mais à travers Pacific Rim, il n'y a pas de doute, le cinéaste a voulu adresser tout son amour aux mechas et à cette culture du robotisme. Un film par un fan pour les fans. Pari réussi, et c'est sans oublier le grand public qui est suffisamment emmené pour ne pas se sentir en terre inconnue, grâce à la myriade de combats et à un visuel tout bonnement énorme, mais j'y reviens plus bas (on s'éloigne du cinéma d'action de M. Bay, et les rapprochements aux opus Transformers s'arrêteront à la présence de robots et de préoccupations sur la survie de l'humanité. PR est déjà moins américanisé et niais en évitant l'humour en-dessous de la ceinture. Une nouvelle franchise qui n'est pas une suite, un reboot ou un ramake, un casting osé, et des lieux peu communs... et on comprend tout de suite pourquoi ce n'est pas sur la même longueur d'onde que du Bay).
Venons-en au scénario et aux personnages. Ils se tiennent. Les reproches qu'ont peut leur faire son nombreux, il y a des tares, c'est indéniable, certaines situations sont téléphonées, les personnages croulent sous les clichés, mais la question est de savoir si le réalisateur a voulu se détacher du conformisme qu'on reconnait entre tous les blockbusters qui en abuse. Le film fait preuve d'une simplicité revigorante, et ce qu'on désigne de classique l'est devenu car c'est l'idéalisation d'une scène ou d'un intervenant. Il est tout à fait possible de reprendre des codes connus, mais de les mettre sous un couvert différent et d'en déceler des interprétations uniques.
Le concept de la fusion des esprits des pilotes est revisité, et la cohésion qui leur est nécessaire rend le lien entre les pilotes plus intéressant que jamais, cela contraste avec l’opposition des géants Jaegers et des monstres marins. La condition humaine est sublimée par des couleurs qui caractérisent leurs émotions. Nos personnages se sentent constamment en danger face à une mort qui leur semble proche et inhérente à tout être vivant, c'est alors la recherche de sérénité qui devient vital. Les prestations d'Idris Alba ou Rinko Kikuchi m'ont satisfait, ils remplissent leur part du boulot, mais pour ne pas rentrer trop dans les détails, leurs échanges verbaux et les souvenirs qui refont surface permettent de synthétiser aux mieux leur relation sans que ça prenne le dessus sur l'intrigue principale. C'est sans compter le reste de la galerie de personnages qui s'avère réjouissante, entre les scientifiques fous et qui sont supposés apporter de l'humour (ce point ci relève strictement de la subjectivité, je vous mentirais si je vous disais qu'ils ne m'ont pas fait rire à quelques moments), Ron Perlman qui est fidèle à lui-même ou Charlie Hunnam, qu'il ne faut pas oublier, et qui s'en sort convenablement à la tête du premier rôle... qui l'eut cru, que de chemin parcouru depuis Hooligans (dommage que la VF ne soit pas au top niveau le concernant).
Mais il est temps de se lâcher, oui, je vais parler un peu des affrontements titanesques qui nous sont offerts. Et c'est face à ce plaisir absolu de voir ces kaijus se fritter que mon sourire s'est dessiné sur le visage. A ce niveau là, le film est un parfait concentré de fun et il impose directement son style. C'est un délice visuel, et c'est avec admiration que j'ai vu les images défilées toutes plus belles les unes que les autres. Le découpage est excellent et la découverte qu'on en fait de bout en bout est très simple, presque enfantine comme quand j'ai vu pour la première fois Jurassic Park et ses dinosaures auxquels s'apparentent les kaijus, ces grosses bestioles à l'apparence virulente, Del Toro affirme son talent pour les bestiaires. Les sentiments qui émanent et qui animent ce long métrage nous éloigne donc de ce cynisme ambiant qui domine les derniers blockbusters. Pacific Rim est un produit qui vient du coeur, GdT s'en est amoureusement occupé pour le rendre concret.
Au-delà des effets spéciaux très réussis, la narration ne se montre jamais craintif et ne fait aucune bavure, ni faux pas. Ce n'est pas hors-norme, et ce schéma narratif a déjà été vu par le passé, mais c'est cette succession de combats et ce débordement de puissance qui donnent les plus belles notes musicales au film. Je me suis pris au jeu en assistant à cette lutte extraordinaire entre des forces armées et des monstres colossaux.
En fait, Pacific Rim, c'est comme dans un pur nekketsu, on connait à l'avance les chances pour qu'une situation se termine comme on l'imagine, on ne se fait pas de fausses illusions, c'est avant tout un spectacle dans lequel on veut voir l'évolution de nos héros et comment ils vont d'un point donné à un autre. En tant que spectateur, il y a évidemment ce sentiment de surprise qu'on veut ressentir, et c'est peut-être ce manque de prise de risque qui est susceptible de ne pas plaire à tout le monde. GdT n'a fait aucun bobard, il a vendu sa marchandise comme ce qu'elle était vraiment, sans faire de demi-mesure pour cacher la vérité. C'est ce type de réalisateur que je veux voir le plus régulièrement possible à la tête des projets immenses d'hollywood, il prend plaisir dans ce qu'il entreprend et il va jusqu'au bout quand on lui permet.
On peut toujours rechigner vis-à-vis du script jugé terriblement banal, mais pour une fois qu'il ne faut pas sauver les États-Unis pour sauver l'humanité... Non, je déconne, ce n'est pas un argument, mais c'est recevable, je me trompe ? Les prétextes sont multiples pour servir aux mieux des face à face endiablés et des destructions massives (un petit mot sur les thèmes musicaux qui valent leur pesant de cacahuètes en sortant de l'ordinaire pour une telle production, ils sont électrisants et s'accordent à la direction artistique choisie, et les bruitages sont criants de réalisme), on ne se perd pas inutilement dans des petites intrigues d'ordre secondaire, et ça tombe bien, l'essentiel est atteint. Notons que je l'ai vu en 3D, et pour une fois, ils n'ont pas rendu ce gadget inutile, la conversion est très convaincante.
Pacific Rim, c'est la quintessence cinématographique pour l'otaku, il remet au goût du jour la mechamania en empruntant efficacement à l'univers de la japanimation. Il affiche quelques grossièretés et facilités, mais il laisse sur le coin de la route les superflus mal venus et ce, à tous les niveaux, pour un ensemble cohérent.
La machine à rêves fait son petit bout de chemin, et désormais, c'est avec des étoiles plein les yeux que j'espère voir se concrétiser l'adaptation de lovecraft. Toujours par notre mexicain à lunettes.