A la lecture des critiques, "Pacifiction" semble avoir divisé son public. Ce qui n'a rien d'étonnant vu sa lenteur, et, avouons-le, son absence d'intrigue. Si en lisant le pitch vous vous attendez à un thriller implacable teinté d'espionnage, passez votre chemin.
Benoît Magimel incarne le haut-commissaire de la Polynésie française, autrement dit le représentant direct du gouvernement français. Il fréquente plusieurs milieux, tente de garder de bonnes relations avec tout le monde. Jusqu'à une rumeur folle : des essais nucléaires pourrait reprendre localement !
Clairement, le point de départ est tiré par les cheveux. Les modèles de calculs des armes atomiques ayant été justement qualifiés grâce aux essais des années 90, pourquoi la France reprendrait-elle des essais de nos jours, devant les contraintes monstrueuses que cela représente ? Pourquoi le gouvernement n'aurait pas mis au courant son représentant direct sur place ? Pourquoi des agents étrangers s'intéresseraient à ce type qui ne sait rien et ne contrôle rien ?
Néanmoins, il y de très bonnes idées. Le fait de montrer ce fonctionnaire complètement isolé, sans réel pouvoir, limite paranoïaque, qui déambule dans son costume blanc mal taillé (involontairement, Benoît Magimel ayant pris du poids entre l'élaboration du costume et le début du tournage !). Avec en prime une réflexion sur le colonialisme.
La réalisation est jolie et audacieuse. Avec une étonnante photographie, jouant sur les brumes, les éclairages artificiels, et les couleurs rosâtres (!). Et de belles scènes rendant hommage à la nature de la Polynésie (représentation du paradis perdu ?). Ceci appuyé par une BO électronique envoutante.
Côté acteurs, il y a clairement eu beaucoup d'improvisations. Les dialogues se veulent naturels, au point d'être parfois (volontairement ?) répétitifs et maladroits. Néanmoins, la plupart des acteurs donnent le change. En tête, Benoit Magimel est excellent dans la peau de ce fonctionnaire dépassé. Pahoa Mahagafanau a également un rôle troublant, en employée de boîte qui va devenir sa proche collaboratrice. Par contre je dois avouer que j'ai trouvé Marc Susini grotesque en amiral qui se borne à faire la tournée des boîtes.
Mais le vrai problème, c'est le montage. Albert Serra a avoué avoir effectué un montage "arbitraire", sélectionnant les images qui lui plaisaient et les liant techniquement. Si bien que beaucoup de scènes sont inutiles ou traînent sacrément en longueur.
Un film d'ambiance sur un fonctionnaire paumé, pourquoi pas. Mais sur 2h45, c'est abuser de la patience du spectateur moyen ! Au moins une heure aurait pu être coupée sans mal.
A l'arrivée, si vous parvenez à rentrer pleinement dans l'ambiance sans avoir besoin d'une vraie intrigue, vous adorerez "Pacifiction". Sinon ça sera plus difficile...