C’est fou le nombre de films italiens d’époque qui commencent par une “arrivée”, généralement celle dans le village d’un personnage important. Oui, “le” village, car “le” village, ou paese, est un personnage incontournable du cinéma italien & Comencini est bien le dernier qui y fera exception.
Son décor n’a rien qui ne deviendra pas un canon dans le genre : les ruines des bombardements qu’on n’a pas pris la peine de relever, la routine des tremblements de terre, la pauvreté, la place dans la société de la mère, de la police, de la religion, bref : tout cela deviendra trop connu & l’on a perdu de vue que Comencini créait avec cette œuvre son propre sous-courant néoréaliste. Pourtant, il suffit de se remettre dans l’époque pour réaliser que De Sica & Lollobrigida, respectivement dans le rôle du policier sérieux aux bonnes manières & de la pauvre diablesse au sang chaud, ne pouvaient pas jouer leurs personnages sans paraître les vivre – ce qui fonctionne encore à ce jour jusque dans les touches les plus suggestives.
Même avec l’effort de se remettre dans l’époque, la seule faute du film semble être l’amoureux transi, pourtant pas trop mal amené mais trop benêt au bout du compte – difficile d'avoir la prestance du timide face à un monstre comme Lollobrigida, remarque.
En fait, le casting est tellement à sa tâche que l’œuvre ne sait plus où se mettre & ne garde vraiment de trace de son réalisateur que des dialogues énormes & magnifiques (parfois dialectaux, miam) sous-tendant l’ironie avec laquelle il traite du fanatisme religieux & de comment il transforme les gens en bigots & en brebis égarées – il n’y a bien que l’Italie pour donner au prêtre du village le rôle du seul être sceptique, dont la charge de travail énorme dans le troupeau de crédules permet d’en faire un parangon de vertu sans l’humour d’un Don Camillo ni les écarts des Hommes “normaux” à qui l’on ne peut parler de pureté d’âme qu’en faisant une métaphore filée sur le linge propre. Ceux-là constituent “les gens”, la gente, la foule de misérables catalyseurs de bucolisme qui donnent son aura au film.
Inspirante, beaucoup suivie, la création de Comencini, comme tant d’autres, ne peut plus faire valoir depuis longtemps qu’elle sortait du lot.
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