Malgré la désuétude du Western dans les années 80, Clint Eastwood trace son sillon d'auteur important dans le cinéma US avec ce western formellement classique mais emprunt d'un certain regard sur l'Amérique.
Comme dans les films de Leone, Eastwood incarne un personnage sans nom, mais à la différence du Blondin des 60's agissant pour lui-même, nous avons un Pasteur - donc garant d'une certaine morale - peu disert mais dont les actes définissent les contours d'un héros classique (se battant pour autrui) mais aussi et surtout de la vision de l'auteur: en prenant la défense de mineurs face à la riche compagnie d'extraction d'or, en mettant la main à la pâte lorsqu'il participe au labeur, et encore lorsqu'il relève le défi d'affronter le shérif corrompu et ses hommes, il s'agit de défendre l'esprit des pionniers, les garants de l'esprit américain, celui de gens travaillant dur, faisant communauté autour d'un idéal, celui de la liberté, et prêts à tout pour le défendre.
Par ce biais là, il dénonce aussi le capitalisme sauvage, corrompant les hommes, brutalisant la nature et outre-passant les lois, sans oublier de nuancer son discours en n'omettant pas de dire que c'est cela aussi qui a bâti l'Amérique.
Cette dimension allégorique du personnage, apparaissant comme un miracle afin de restaurer l'ordre ancien, est renforcée par la dimension spectrale du Pasteur, faisant sa première apparition dans des fondus enchaînés durant la prière de la jeune Megan, et par ses déplacements erratiques défiant toute logique qui le font être partout et nulle part, comme une présence diffuse et insaisissable, à l'image des valeurs qu'il représente.
Il appelle donc à un retour des valeurs fondamentales, en pleine ère Reagan, en incarnant cette sorte de guide propre à revigorer l'esprit des hommes, et enflammer le cœur des femmes usées d'une vie austère, abandonnées par leur mari et père protecteur, garant de leur avenir, en tout cas d'un avenir désirable, comme le symbole d'un rôle que l'homme contemporain aurait déserté.
Il signe donc avec ce film un western profond sans dramaturgie excessive, et aurait peut-être gagné à travailler davantage sa mise en scène pour proposer une oeuvre plus originale, sortant un peu des codes du genre (voyous, agressions, duels etc), mais par l'ambiance glaciale, la qualité des dialogues et des acteurs, sans parler bien sûr du charisme de bad ass de Eastwood, Pale Rider est un western réussi, pas aussi maîtrisé qu'Impitoyable, certes, mais captivant de bout en bout.