Illusions perdues
C'est un condensé d'humanité qui se découpe en ombres inquiétantes sur les murs gris de cette petite banlieue parisienne. Un petit bout de planète coincé entre un terrain vague boueux et un vieil...
le 21 sept. 2014
43 j'aime
19
Si ce titre inquiétant renvoie bel et bien à la longue séquence finale du film, le choix du terme "panique" pourrait néanmoins paraître étrange, voire en décalage avec le contenu de ce premier long-métrage de Julien Duvivier depuis la Libération. Sauf à y voir une référence à "Fury" de Fritz Lang, sorti dix ans plus tôt, avec lequel "Panique" partage une thématique similaire, celle de l'homme innocent accusé à tort par la foule déchaînée.
Car "Panique" n'est pas un polar, contrairement à certaines apparences : il s'agit d'un drame, et si le film commence par la découverte d'un cadavre, on connaît rapidement l'identité du meurtrier.
Le récit est centré sur trois personnages, à commencer par Monsieur Hire (Michel Simon), un homme solitaire et misanthrope, qui intrigue les "honnêtes gens" qui le côtoient dans la petite auberge où il vit reclus. On apprendra plus tard le passé malheureux de cet étrange bonhomme, qui tombe immédiatement sous le charme d'Alice (Viviane Romance), une nouvelle venue dans le quartier.
Cette amoureuse passionnée est entièrement soumise à son amant Alfred (Paul Bernard), pour les beaux yeux duquel elle vient de passer plusieurs mois en prison.
L'action se déroule à Paris, mais dans une atmosphère provinciale, tant les faubourgs de la capitale s'apparentaient alors à de petits villages.
Duvivier ne lâche pas d'une semelle ses trois protagonistes, signant une mise en scène précise et signifiante de leurs trajectoires respectives. Jusqu'à ce final virtuose sur les toits, au cours duquel le cinéaste français dirige habilement les mouvements de foule et maîtrise parfaitement la gestion de l'espace.
A l'origine de "Panique", on trouve un roman de Georges Simenon : "Les fiançailles de Monsieur Hire", qui aura également inspiré Patrice Leconte, auteur à un demi-siècle d'intervalle d' un remake avec Michel Blanc dans le rôle-titre.
Au moment de noter, j'étais proche d'attribuer un bon 7, mais si je monte jusqu'à 8, c'est en raison du contexte de cette histoire, dont certains aspects pourront apparaître datés au yeux du public contemporain (scénario un brin linéaire, caractérisation un peu simpliste des personnages).
Julien Duvivier faisait preuve alors d'une belle audace, très peu de temps après des heures aussi sombres de notre histoire, en présentant une foule de Français veules et assoiffés de vengeance, prêts à dénoncer pour certains, à pratiquer une vengeance aveugle pour d'autres, ce qui renvoie autant à la collaboration qu'à l'épuration encore plus récente.
Ce qui pourra d'ailleurs expliquer l'échec cuisant, à sa sortie début 1947, d'un film aussi puissant, à l'interprétation habitée et à la mise en scène admirable.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films des années 1940, Les meilleurs films noirs, Les adaptations de Simenon au cinéma, Les meilleurs films de Julien Duvivier et Les meilleurs films avec Michel Simon
Créée
le 15 mai 2016
Critique lue 558 fois
12 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Panique
C'est un condensé d'humanité qui se découpe en ombres inquiétantes sur les murs gris de cette petite banlieue parisienne. Un petit bout de planète coincé entre un terrain vague boueux et un vieil...
le 21 sept. 2014
43 j'aime
19
Proposez un film français de 1946 à deux spectateurs, l'un vieux cinéphile bourlingueur et l'autre jeune blockbusterophage intrépide, et ils auront l'un et l'autre de bonnes et de mauvaises raisons...
Par
le 7 oct. 2014
38 j'aime
14
Petite banlieue parisienne avec des airs de province, le rendez-vous des forains avec auto-tamponeuses et voyante cartomancienne, un terrain-vague pour se soulager la nuit ou étrangler les femmes...
Par
le 28 févr. 2014
35 j'aime
8
Du même critique
Cette fois, plus de doute, le cinéma d'Edgar Wright, quelles que soient ses qualités objectives, n'est définitivement pas pour moi. D'ailleurs je le pressentais déjà fortement (seul "Hot Fuzz"...
Par
le 20 juil. 2017
60 j'aime
15
Le magazine haut de gamme des faits divers français, qui contrairement aux (nombreux) ersatz sur la TNT, propose toujours des enquêtes sérieuses, très documentées, sachant intriguer sans tomber dans...
Par
le 2 avr. 2015
50 j'aime
11
C'est le genre de film qui me file un méchant coup de vieux : c'est bruyant, bavard, ça se veut drôle et décalé mais perso ça m'a laissé complètement froid, tant les personnages apparaissent...
Par
le 4 août 2022
49 j'aime
17