Papicha : à Alger, jeune femme drôle, jolie et libérée. Comme l'héroïne du premier long-métrage de Mounia Meddour, et aussi courageuse (inconsciente ?), obstinée et fragile. Dans la décennie noire de l'Algérie (150 000 morts dans les années 90), ce genre de caractéristiques vous exposait à un véritable danger de mort alors que l'intégrisme religieux et l'obscurantisme faisait d'elles des cibles idéales. Papicha est un film puissant et candide à la fois, impressionnant dans les scènes de violence, viscéral et attaché à une esthétique qui frôle parfois le maniérisme. Mais la force de conviction de la mise en scène emporte tout sur son passage, alternant la comédie (dialogues irrésistibles en "françarabe") et la tragédie sans transition et ménageant des ellipses brutales mais pertinentes. Cette Papicha est avant tout fière d'être algérienne et entend transcrire ses rêves dans la réalité en dépit d'un contexte délétère, elle est sans doute en partie d'essence autobiographique pour la réalisatrice qui l'érige aussi en symbole des femmes algériennes qui ont choisi de ne pas se soumettre. Le message, 20 ans après, conserve toute son acuité dans une société toujours patriarcale et où sévit une grave crise économique et sociale. Lyna Khoudri, l'actrice qui incarne la Papicha du film, est époustouflante. La tornade émotionnelle qu'elle subit est captée avec sensibilité et subtilité par sa réalisatrice, qui révèle d'emblée un talent au moins égal à celui de ses consoeurs cinéastes du Maghreb, comme la tunisienne Kaouther Ben Hania (La belle et la meute) ou la marocaine Meryem Benm'barek (Sofia).