Film d'Alain Jessua qui est un cinéaste des années 70-80 finalement assez peu connu mais qui a fait plusieurs films fort intéressants.
"Paradis pour tous" est un film que je classe finalement dans le genre SF/ Fantastique car il présente une transformation de la personnalité d'un être humain suite à une manipulation sur le cerveau. Sans pousser aussi loin, Alain Jessua avait déjà abordé un thème du même type dans "traitement de choc".
Dans mon souvenir, "paradis pour tous" avait été démoli dans la presse en particulier pour les scènes de nus (de mon point de vue assez soft). Et pourtant, j'avais bien aimé à sa sortie, ce film que je regarde toujours avec plaisir encore aujourd'hui. D'abord, il y a une indéniable dimension comique ou satirique qui relativise quand même pas mal le propos tout en soulignant les aspects métaphoriques. Et puis, j'aime bien les acteurs qui y jouent que ce soit Patrick Dewaere dont c'est le dernier film, Jacques Dutronc, Fanny Cottençon ou Stephane Audran.
Encore une dernière généralité, je ne peux pas m'empêcher de rapprocher ce film d'un livre de Boris Vian (Vernon Sullivan) "Et on tuera tous les affreux" qui, sous un sujet terrifiant, conserve aussi une bonne dose de comique.
Le sujet du film "Paradis pour tous" tourne autour d'un procédé révolutionnaire, le flashage, pour supprimer l'angoisse chez l'homme, en agissant directement sur une partie précise du cerveau. Non seulement, l'individu se trouve constamment heureux et définitivement optimiste, mais en plus, il devient redoutablement efficace dans son travail. En effet, n'ayant plus de récriminations ni de soucis, il devient un employé modèle, bien obéissant satisfaisant à la fois le patron et lui-même. À la maison, face à son épouse, il devient zen, doux et arrangeant tuant dans l'œuf toute discussion stérile. Le bonheur au boulot, le bonheur au lit, le bonheur partout, quoi de mieux ! C'est le paradis, donc !
Bon, il y a bien quelques petits effets pervers puisque ne concevant plus de choses négatives, l'individu "flashé" devient accro à la publicité dont on sait bien qu'elle est toujours optimiste donnant quelques séquences bien savoureuses où l'individu devant sa télé reprend en chœur les slogans de pubs de parfums, de collants ou de jus de fruit Banga (Il y a des fruits, il y a de l'eau – C'est frais, c'est aux fruits, c'est Banga)…
Les gens "flashés" sont devenus superficiels en ne regardant plus que le bon côté des choses. D'ailleurs, deux "flashés" qui se rencontrent sans se connaître, se reconnaissent simplement parce que l'un et l'autre ont adopté la coiffure d'acteurs de pubs vus à la télé … L'absence d'émotion fait que les gens flashés ressemblent plus à des robots qui trouvent le bonheur dans des actes simples mais sans saveur, des actes qui relèvent de l'automatisme. Plus besoin de spiritualité ni de "sens critique" (oh !!!) puisque désormais "on est bien, là". Est-ce un aperçu de ce que pourrait être l'enfer ? Une société de gens heureux qui ne pensent qu'à consommer ! En est-on si loin, au fait, avec la surconsommation de nos sociétés en anti-dépresseurs ?
Patrick Dewaere excelle dans ce rôle d'homme flashé, heureux de vivre mais devenu une machine sans cœur avec un regard bovin.
Mais, Jacques Dutronc dans le rôle du docteur inventeur du procédé de flashage, volerait presque la vedette à Dewaere avec ses soudains scrupules d'avoir créé une nouvelle race de zombies. Scrupules bien vite étouffés par la demande exponentielle de la population pour avoir enfin accès à ce bonheur inespéré…
Fanny Cottençon a le rôle intéressant de pouvoir mesurer, avec dégoût, le résultat du flashage de son mari (Dewaere) et de tenter un mouvement de révolte à l'idée d'être "réparée" par le bon docteur.
Philippe Léotard a lui aussi un rôle intéressant en collègue du personnage de Dewaere. Devant les succès professionnels du Dewaere flashé, ancien minable suicidaire, il mesurera son échec…
Reste Stephane Audran dans le rôle de la belle-mère de Dewaere, impayable dans le personnage d'une femme qui veut, à tout prix, rester jeune …
Pour finir avec cet excellent film qui est aussi satirique que fantastique, je ne sais toujours pas, en ce qui me concerne, s'il vaut mieux être un imbécile heureux ou un homme triste toujours en quête d'un bonheur illusoire ?
Enfer ou paradis ? Est-ce qu'un imbécile heureux est en enfer ou bien a-t-il trouvé le paradis ?