Je ne connaissais pas ce film de Breillat, c'est l'un de ses plus forts du point de vue du récit. La cinéaste regarde un piège qui se referme sur une femme. Celle-ci est éprise d'un homme plus jeune qu'elle, d'abord tendre, mais qui finit par la tuer. Breillat montre l'emprise, l'addiction à l'oeuvre. J'ai pensé à La Maladie de la Mort de Duras, car les propos se rejoignent : le film est une charge contre la haine que les hommes portent en eux contre les femmes et qui les empêche de les aimer. Je pense aussi au monologue de Veronika à la fin de La Maman et la Putain de Eustache : Breillat fait dire à son personnage que la sexualité est un mensonge, un leurre pour faire croire que l'amour existe, alors qu'un homme et une femme qui ne couchent pas ensemble sont incapables d'inventer autre chose.
Côté forme, le film est un tout petit peu trop long, il manque de précision dans son montage, comme si Breillat n'avait pas trouvé le rythme exact des scènes. Ca tient peut-être aux acteurs, moins intéressants que d'habitude chez elle. Il leur faut plus de temps pour changer de visage, d'humeur, d'émotion. On retrouve aussi la caméra flottante de Brève traversée, qui tourne lentement autour du couple ; mais ici c'est moins affirmé, moins radical, on a plutôt l'impression qu'elle essaie de ne pas nous ennuyer, il y a plus de style et moins de recherche, moins de tension. En fait, c'est simple : on se demande un peu moins ce qu'il y a à voir dans les images, elles sont plus plates, plus collées au discours.
Mais ça reste assez passionnant de voir ce qu'une cinéaste montre d'un féminicide vingt ans avant que le mot ne s'impose.