Paria c'est un peu le film que je rêvais de voir sur Paris depuis un bon bout de temps. Un film éloigné des milieux bourgeois/aisés sur-représentés, un film sur un milieu qu'on voit peu car il est caché, car il ne veut pas être vu. Pas vraiment un milieu d'ailleurs, mais davantage un groupe de personnes plus ou moins proches qui se croisent dans Paris, la nuit. Qui s'accrochent pour survivre, pour ne pas être seul, et/ou pour trouver un but à leur vie.


Paria prend ainsi la forme d'une fiction fauchée, presque documentaire, à l'image crade, brute. On pourrait même parfois penser aux documentaires de Raymond Depardon dans leur approche pudique mais qui tapent là où ça touche, d'autant plus que le film commence du point de vue d'une jeune recrue de la police de nuit.


Nous assistons donc au récit croisé de deux jeunes un peu paumés, qui vont se retrouver un peu par hasard avec des sans-abris dans un bus le soir de Noël, avant que l'on retrace leur parcours lors de cette journée particulière mais au final un peu comme les autres. Ces jeunes dorment dans le métro ou squattent des soirées, fument ou boivent, cherchent de la compagnie pour une nuit ou tombent amoureux, volent des chaussures ou se les font voler. Se font confondre avec des SDF puis en rencontrent des "vrais". C'est d'ailleurs dans cette rencontre que le film tire sa force, au point où on finit par penser qu'on est réellement en face d'un documentaire.


Mais Paria n'en oublie pas d'être un film, Nicolas Klotz ajoutant une dimension poétique au réel brut des situations. Cet aspect poétique se manifeste d'abord par le jeu des acteurs et les dialogues, mélange entre un naturalisme confondant comme rarement dans le cinéma français, ainsi que des phrases presque écrites mais qui curieusement ne sonnent pas faux. Le meilleur exemple reste Morgane Hainaux jouant Annabelle, au jeu singulier mais contrastant parfaitement avec le personnage de Victor. Le genre d'alchimie un peu magique qui illumine un film.


Mais certains plans parviennent aussi à capturer une certaine essence de la vie parisienne, comme le premier plan du film où l'agent policier semble survoler la route, ou encore la fin silencieuse sur un magnifique morceau de jazz mélancolique au piano où même un paria se fait rejeter du bus des parias. Ou encore ce moment touchant ou Mohammed offre une chemisette bleue à sa femme "arrangée", prenant à revers le spectateur qui rit mais qui est aussi touché par la sincérité de son désir d'amour.


Relève la gueule, je suis là, t'es pas seul.

Antofisherb

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