La comédie romantique française est très décriée et,en voyant "Paris-Manhattan",on comprend assez bien pourquoi.C'est le premier long de Sophie Lellouche,rien à voir semble-t-il avec Philippe et Gilles.Avec Pierre peut-être?Elle est l'auteur complet de son film puisque,en plus de réaliser,elle en est scénariste-dialoguiste.On y suit l'histoire d'amour compliquée entre une jolie pharmacienne fan de Woody Allen qui ne trouve pas chaussure à son pied et un concepteur d'alarmes cynique et désabusé qui ne croit pas à l'amour.On n'est pas vraiment chez les bobos,plutôt chez les boblins,les bourgeois blindés.Tous les protagonistes habitent Paris,un Paris propre et quasi désert,merci au service d'ordre,ont des boulots gratifiants,de beaux apparts,aucun problème financier,et passent leur temps dans des soirées champagne.Le film s'appuie sur deux axes:la romcom et Woody Allen,et se plante sur les deux tableaux.Côté comédie romantique,ça craint.Réalisation tristounette,scénario inconsistant,personnages sans épaisseur vivant des historiettes sans intérêt,scènes se terminant en queue de poisson.Quant à la figure tutélaire du célèbre juif new-yorkais,elle est si présente qu"elle en devient envahissante.Sophie Lellouche n'a pas mégoté sur l'hommage à Super Woody.Ca commence dès le titre.Dès qu'on voit le mot "Manhattan" sur une affiche,on croit immédiatement voir surgir un petit geignard à lunettes.Il y a le jazz à gogo sur la bande-son,notamment du Cole Porter,les extraits de films du Maître,les conversations imaginaires entre Woody et l'héroïne,dans l'appartement de laquelle trône une photo géante de l'idole,les DVD des oeuvres d'Allen qu'elle distribue dans sa pharmacie en guise de médocs,et toutes ces scènes en imitant d'autres vues chez Allen.Un couple déambulant dans les rues d'une grande ville en discutant amour,philosophie et sens de la vie comme dans "Manhattan" ou "Annie Hall",le même couple s'improvisant détective et pénétrant par effraction dans un appartement comme dans"Meurtre mystérieux à Manhattan",un autre couple improvisant quelques pas de danse dans la nuit parisienne comme dans "Tout le monde dit i love you".Tout ce référentiel est lourd et lourdement asséné,et quand Lellouche tente le burlesque lors d'une scène de hold-up rappelant furieusement "Prends l'oseille et tire toi",ça tombe complètement à plat.En fait,il est clair que la fascination éprouvée par Alice Taglioni pour le sieur Kenigsberg est celle de la réalisatrice.Au fait,est-ce bien un hasard si elle a choisi une actrice prénommée Alice?Finalement,Sophie Lellouche a voulu faire un film de Woody Allen,mais de toute évidence elle n'est pas Woody Allen.Elle a pourtant bénéficié de la présence d'un casting haut de gamme,à tel point que c'en est du gâchis.Alice Taglioni,Marine Delterme et Michel Aumont sont excellents mais peinent à faire exister des personnages fantomatiques.Patrick Bruel,lui,est toujours impeccable et fait décoller la plupart des scènes auxquelles il participe,et son duo avec Taglioni fonctionne à merveille.Et puis il y a la cerise sur le gâteau,l'apparition tardive et inattendue de Woody himself.La star joue pourtant très rarement dans les films des autres.Il faut croire que la fan attitude de Sophie Lellouche a su flatter son ego.Retenons quand même quelques dialogues bien sentis et félicitons-nous de l'absence du gaucho-moralisme omniprésent dans la fiction française,mais c'est bien peu.Dis-nous,Sophie,c'est ton maximum,là?Espérons que non.