Je revois régulièrement cet étrange et fascinant film de Wim Wenders qui m'avait littéralement bouleversé à sa sortie. Tellement que j'avais été le revoir le lendemain soir, toutes affaires cessantes alors que j'habitais à 80 km du cinéma ... Et des années après, l'émotion est toujours intacte.
Et pourtant l'histoire est assez simple : un couple s'est déchiré et anéanti quelques années auparavant ; leur enfant a été recueilli par le frère de lui et son épouse. Lui, réapparaît un jour, sorti de nulle part afin de recoller des morceaux de vie. C'est une longue quête qu'il entreprend, pour réapprendre à communiquer, pour se réapproprier son fils, pour retrouver sa femme, pour restituer son fils à sa femme.
Tout est magnifique dans ce film.
L'image : le jeu des lignes droites, infinies, toujours fuyantes que ce soit les routes dans le désert, la maison de Walt à LA ou bien encore les gratte-ciel et les rues de Houston.
Et les jeux de miroir inoubliables dans le peep-show où apparaissent les visages de Travis et Jane comme irréels, presque virtuels !
Les silences assourdissants des acteurs : d'abord Travis (Harry Dean Stanton) qui ne sait plus communiquer mais se sent investi d'une mission, puis Hunter, le fils qui ne dit rien mais qui observe pour finir par reconnaître et suivre son père. Mais aussi Anne (la douce Aurore Clément avec son accent absolument inimitable) et son mari Walt (Dean Stockwell) qui se taisent de peur de perdre Hunter, leur enfant adoptif. Et puis Jane (l'émouvante Nastassia Kinski) dont le "métier" est d'écouter le client derrière sa vitre et qui se tait devant le retour du passé et le poids des souvenirs.
Comment oublier l'extraordinaire silence des acteurs visionnant le film – muet – des vacances des temps heureux ?
Sans oublier la musique lancinante, obsédante, désaccordée? de la guitare de Ry Cooder.
La mission de Travis achevée, il s'enfonce dans la nuit pour à nouveau disparaître.
Mais il me plait, à moi, de penser que la fin reste ouverte et que tout est possible, le plus difficile ayant été fait. Le fond ayant été atteint, on ne peut plus que remonter.