"La Paresse de Brian de Palma"
Accueillons chaleureusement Brian de Palma dans le Cercle des réalisateurs disparu, rejoignant ainsi des grands noms qui peuvent se permettre de ne plus rien faire car ils ont un grand nom comme Steven Spielberg, Ridley Scott ou Francis Ford Coppola. Avec Passion, mettant en scène Isabelle (joué par Noomie Rapace), employée fascinée par sa supérieure, Christine (Rachel McAdams), entraînée dans un jeu de séduction et de manipulation, Brian de Palma fait un film sans enjeu, un film pour faire un film. Son amour pour la nouvelle vague l'entraine à plagié de façon voulu un film français : Crime d’amour d’Alain Corneau, sorti en 2010. Ainsi il est tout à fait déconseillé de voir le film d'origine avant le remake, car le spectateur risquerait tout bonnement de s'ennuyer pendant les trois quarts du film.
La bande annonce nous promettait du sex, de l'action, de la violence, bref du Brian de Palma, réalisateur de Scarface, Blow Out ou encore du premier Mission Impossible. Mais comme l'a fait récemment Looper, la bande annonce est trompeuse : le film n'a rien à voir avec ce que l'on a pu y voir dedans. Le film est lent, parfois trop, nous amenant l'élément déclencheur, le crime d'amour, qu'après 1 heure de film ! Doit-on en vouloir à Brian de Palma ? Oui et non, le problème venant directement du film d'origine, le remake ne fait que le copier mot pour mot, reprenant toute ses erreurs et les multipliant. Seul le masque semblait nous sortir de cette idée de remake, mais au final il ne sert que de "logo" pour une campagne de promotion mensongère et n'apportera rien au film, ne faisant que 3 apparitions de tout au plus 10 minutes. Même l'esthétique du film semble plus belle dans la bande annonce, composé de contaste et de couleurs magnifiques rendu par des mouvements de caméra calculés. Malheureusement, seuls les beaux plans sont dans la bande annonce, ainsi le film mélange de beaux cadres avec d'ignobles semblant d'images, passant par des plans de danse façon Arte, un fond de décors particulièrement mal incrusté ou encore un plan de webcam nous donnant une remontée d'acide dans la bouche.
Le scénario était pourtant intéressant. Sans être transcendant le film en deux parties nous montra d'une part une critique des entreprises multinationales et de l'autre le meurtre parfait, thématique non sans rappeler Alfred Hitchcock. Et le fils auto-proclamé d'Alfred Hitchcock qu'est Brian de Palma aurait du s'appuyer sur cette deuxième partie, qui est manifestement plus intéressante que la première. De ce fait, Passion aurait était un film à part entière, avec une constitution qui lui est propre, plutôt qu'une simple copie. On s'attendait à voir le remake de Millenium, un remake avec une esthétique améliorée, de beaux plans, de beaux décors et de belles couleurs. Résultat : Passion est comme le Cosmopolis de Cronenberg, un film avec autant d'âme que ses décors froids, jouant sur la lenteur comme pour prouver qu'il est un film intellectuel, joué par des acteurs bankable pour attirer des spectateurs. Cosmopolis avait repris tous les dialogues mot pour mot de son livre d'origine, montrant bien qu'un livre, ce n'est pas un film. Brian de Palma fait, à ses dépends, la même erreur, ne comprenant pas qu'un bon remake est différent de son original (chose qu'il aurait du savoir en regardant l'auto-remake L'Homme qui en savait trop, d'Alfred Hitchcock).
Contrairement à Hitchcock, Brian de Palma aime montrer crument la sexualité, comme dans Femme Fatale. La bande annonce de Passion promettait de grandes scènes de ce genre, mais là encore le mensonge apparait et, à part une musique tirée d'un film pornographique, les deux actrices n'auront finalement droit qu'à deux baisers. Noomie Rapace montre encore une fois, après l'ignoble Prometheus, qu'elle n'a malheureusement su jouer que dans la trilogie Millenium. Son duo avec Rachel McAdams sonne tout simplement faux, chaque sourire est surfait, une amitié inventé de toute pièce. La réalisation ne faisant rien pour améliorer le travail, le résultat est horrible : Rachel McAdams ne fait que jouer des clichés de la patronne manipulatrice. Sa scène où elle confesse sa méchanceté en pleurant, appuyée par des violons, nous fera pleurer. De rire.
Il faudra attendre la fin du film pour vraiment s'y accrocher, la musique devenant enfin intéressante, Brian de Palma nous réserve une fin différente de Crime d'amour (comme il avait déjà pu le faire avec Obsession). Il n'empêche que ce remake est aussi inutile que le Psycho de Gus Van Sant ou l'auto-remake Funny Games de Michael Haneke : pourquoi refaire au mot près ce qui a déjà était fait, sans rien ajouter de plus ? Obsession avait, contrairement à Passion, trouvé une unité propre et savait se dégager de sa grande inspiration avec Sueurs Froides. Il semblerait bien que Brian de Palma est passé de l'autre côté du miroir. Avant, tel un Quentin Tarantino, il se nourrissait des films passés pour rendre meilleurs les siens. Aujourd'hui, n'ayant plus d'idées, Brian de Palma ne fait que tourner en rond, il ne fait qu'aborder un film, sans passion.
Pierrick Boully