Twin Peaks
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Paterson, c'est une semaine dans la vie de Paterson, chauffeur de bus à Paterson et poète inavoué dont le recueil de poésie favori est... Paterson de William Carlos Williams ; éminent poète américain du XXe siècle dont la démarche peut être ainsi résumée : « Pas d'idéologie, mais du concret ».
Et ça tombe bien, parce que dans le film de Jim Jarmusch (Dead Man, Only Lovers Left Alive, ...), il n'y a pas d'idéologie : simplement des mots de tous les jours, des mots du lundi, du mercredi ou du jeudi, des mots échangés par les passagers de la ligne 23 que Paterson – joué par le très juste Adam Driver dont le nom, en français, signifie chauffeur (CQFD?) – s'amuse à écouter, comme pour tenter de briser l'apparente monotonie qui conduit sa vie de la même manière qu'il conduit son bus. Pas d'idéologie, mais du concret : simplement des mots de tous les jours que Paterson couche, avant que la journée ne démarre ou à la pause déjeuner, au bord de l'eau, sur les pages de son carnet secret que sa compagne, Laura – interprétée par la lumineuse Golshifteh Farahani – voudrait « offrir au monde ». Du concret : simplement des mots de tous les jours échangés au hasard des rencontres, fortuites ou attendues, qui rythment la vie routinière de Paterson.
Ces personnages qu'il rencontre aux coins des rues ou dans un bar sont eux-mêmes comme des mots : ils apparaissent et disparaissent, mais on ne les oublie pas. Ils se greffent, sans en avoir conscience, à un quotidien qu'ils alimentent ou rassasient. Ils sont, en somme, « juste des mots, des mots écris sur l'eau », pour reprendre la formule d'un Paterson dévasté par la destruction de son carnet par son ami Marvin – interprété par... un admirable bulldog anglais.
Le film démarre un lundi matin, au réveil, et se termine un lundi matin, toujours au réveil ; parce que chaque semaine est un éternel recommencement. Et c'est là que se situe tout le génie de Jim Jarmusch : il apporte, comme son protagoniste, à chaque événement qui chaque jour se répète un regard neuf. C'est sur ce paradoxe que le propos de Jarmusch se repose et atteint son paroxysme : en multipliant les points de vue, il met en lumière ces petits détails qui font que le quotidien de Paterson – et de chacun d'entre nous – recèle de richesses et de douceurs si simples que l'on n'y prête pas attention.
Au final, c'est Jim Jarmusch, et non Laura, qui offre au monde les poèmes de Paterson. Il nous invite, comme lui, à reconsidérer tout ce qui nous entoure (oui, même cette boite d'allumettes qui traîne sur la table de la cuisine) en y portant un regard humble et neuf, que nous sommes tous capables d'avoir, un regard de poète. Et si vous avez l'impression que ce qui vous entoure est dénué d'intérêt, que votre vie, disons-le, est vide ; n'oubliez pas :
« Une page blanche laisse parfois plus de possibilités. »
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le 28 déc. 2016
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