Figure iconique et haute en couleur de la Seconde Guerre mondiale côté américain, George S. Patton fut un général qui divisa beaucoup par son caractère et sa conception de la guerre. Extrêmement attaché à la discipline militaire au point d’en être perçu comme cruel par nombre de ses soldats, il remporta cependant des batailles décisives pour la reconquête de l’Afrique du Nord face à l’Afrikakorps de Rommel puis repoussa avec succès l’ultime grande offensive allemande lancée dans les Ardennes à l’hiver 1944. Redouté par l’état-major nazi pour sa stratégie agressive et imprévisible, il était aussi vu d’un mauvais œil par beaucoup d’officiers et de politiciens de son pays qui lui reprochaient ses frasques et un certain excentrisme.
Le film de Franklin J. Schaffner se concentre sur les deux dernières années de la vie de Patton, de sa reprise en main des opérations en Afrique (1943) jusqu’à sa mort accidentelle en 1945. Un laps de temps court mais riche en événements militaires et en phrases bien senties du général.
C’est un film hollywoodien, l’action est donc assez didactique, frisant par moments la parodie, comme lors de ces scènes où l’on voit l’état-major allemand disserter admirativement sur Patton dans un bunker tout droit sorti de James Bond. Le ton du film en lui-même n’est pas très réaliste, au sens où la guerre n’est jamais vraiment présentée sous son mauvais jour, mise à part la scène qui suit l’ouverture, au lendemain de la bataille de Kasserine.
Les scènes de batailles ne sont pas le centre du film non plus, même si elles sont pour la plupart extrêmement réussies, notamment celle d’El Guettar, remarquablement reconstituée et faisant la part belle à l’artillerie et aux chars, éléments centraux des combats de la Seconde Guerre mondiale.
C’est sur Patton et sa personnalité que Schaffner s’attarde évidemment le plus, le présentant comme un homme très charismatique (interprété par le génial George C. Scott), sûr de lui au point parfois d’en être arrogant mais surtout fortement attaché à la discipline et au dévouement de ses troupes. Il n’omet pas de montrer comment ses excès ont pu affecter sa carrière au point de le voir temporairement mis à l’écart du commandement à la suite du fameux « épisode des gifles ».
Il y a en ce sens quelques fulgurances qui m’ont fait apprécier le film sur la durée, à trouver notamment du côté de la mise en scène, sachant s’échapper judicieusement à plusieurs reprises d’un formalisme trop appuyé par le biais des gros plans ou au contraire des plans larges, avec une photographie la plupart du temps très réfléchie : deux exemples qui m’ont marqué : la fin de la discussion entre Patton et son aide de camp, où on le voit s’éloigner de ce dernier à l’arrière-plan, tandis qu’au premier plan est filmé le cimetière des soldats tombés à la bataille de Kasserine ; un plan où il reste assis, seul, dans sa chambre londonienne décorée de rose et se regarde dans le plafond qui est fait de miroirs. Le travail sur la contreplongée est également intéressant, puisqu’il revêt symboliquement une signification religieuse, Patton étant croyant (cependant qu’il jure à longueur de journée).
C’est le portrait d’un homme contradictoire que peint assez habilement Schaffner. Sans pouvoir s’extirper totalement des carcans hollywoodiens, il tente néanmoins d’en faire ressortir les traits pittoresques (picaresques pourrait-on dire ?) avec un certain talent. « L’enrobage » du tout, à savoir décors impressionnants, figurants costumés par centaines et souffle épique, permet aussi au film de nous tenir en haleine du début jusqu’à la fin, malgré qu’il dure près de trois heures. On ne peut toutefois s’empêcher de ressentir un goût d’inachevé à toute cette histoire, mais sans doute la mort précoce de Patton joue-t-elle sur ce ressenti ; comme si cet homme se pensant sérieusement investi d’une mission céleste sur Terre n’avait que partiellement accompli sa destinée.