Vu en avant-première ce lundi 1er janvier.
Bon eh bien cette année 2024 commence pas mal du tout…
De Yórgos Lánthimos, je n’avais jusqu’ici vu que son Lobster (bof) puis sa Favorite (mieux), mais on franchit encore un cap avec ces Pauvres Créatures, de loin le meilleur film des trois.
Allez savoir pourquoi, le peu que j’en avais lu/vu en amont me faisait imaginer un film d’horreur arty ; mais en fait non pas du tout, et si le film présente tout de même quelques légères touches horrifiques (essentiellement graphiques – du meilleur goût cela dit), le film tient en fait plutôt du conte philosophique, puisqu’il consiste en gros en le parcours initiatique d’une femme-objet créée par un savant fou, une splendide demeurée (c’est pas moi qui le dis) qui, d’abord confinée dans « son » monde (celui que lui a établi son créateur), va un beau jour sortir découvrir le vrai monde – et par là même la réalité de la vie dans ce monde pour une jolie fille –, pour progressivement mûrir jusqu’à devenir une femme libre et forte (et je n’en dis pas plus)… Bref, un argument pas fondamentalement différent de celui du récent (et très médiocre, qu’on se le dise) Barbie, mais que ce Pauvres Créatures déploie en revanche avec infiniment plus d’audace et de talent.
Visuellement déjà, le film est d’une beauté plastique assez fascinante, avec un travail sur les costumes, les décors et les couleurs vraiment réussi, et quand bien même presque (?) tous les extérieurs font – volontairement – très carton-pâte, ils ne jurent pourtant jamais avec le reste du film, continuellement baigné dans une atmosphère très fantasmagorique de bout en bout captivante. Il s’agit bien de notre monde, et de ses règles du jeu, mais il est ici enrobé d’un imaginaire visuel très marqué – pas une des villes dans lesquelles le récit nous emmène ne ressemble à sa version réelle et pas un ciel ne ressemble au nôtre – et très réussi je dois le dire. Et il en va de même pour les costumes et en particulier la panoplie de tenues que porte Emma Stone dans le film, et là j’avoue que je me dois de retourner ma veste (c’est à propos), parce que si je trouvais Emma Stone pas du tout à son avantage sur les premières photos, force est de constater qu’elle a rarement été aussi belle que dans ce film. Je ne suis habituellement pas branché créatures de Frankenstein, mais là j’avoue que je rejoins en pensée tous les hommes du film (en tout bien tout honneur bien sûr, je reste un gentleman).
D’ailleurs, il faut saluer la perf d’Emma Stone, à fond dans son rôle et aussi convaincante en demeurée au début du film que par la suite, qui voit son personnage (très vite) grandir et évoluer, pour passer du nourrisson mental à la fille naïve (au comportement spontané parfois bien drôle) puis la femme adulte et enfin lettrée. Elle est impeccable de bout en bout, dans un rôle pourtant hautement casse-gueule (avec en particulier le risque de sombrer dans le full retard – et je renvoie ici aux travaux théoriques du grand Kirk Lazarus sur le sujet) et étonnement prononcé en termes de nudité et de sexe (et je crois qu’il convient ici de dire qu’on l’aura dans ce film matée sous toutes les coutures – oh oh). Très agréablement surpris sur ce point ! Et si de toute façon tout le monde y est très bien, très agréablement surpris aussi par Mark Ruffalo, que je trouve habituellement insipide au possible (a fortiori dans les Marvel mais ailleurs aussi, y compris dans les deux trois bons films du lot), mais qui ici irradie de ridicule. Son meilleur rôle, et je pense pas trop me mouiller.
Si je voulais pinailler, je reprocherais simplement au film de devenir un peu plus grossier (dans son propos) dans son dernier acte. Le film jouait sur la bonne note jusque-là, clair sans être balourd, mais à trop insister sur la transformation – jusque-là impeccable de fluidité – de son héroïne à l’approche de sa conclusion, perd un peu cet équilibre. Ca se joue à pas grand-chose, à une poignée de plans/regards et de répliques trop frontales/didactiques, mais ça jure un peu. Dommage.
M’enfin c’est vraiment histoire de chipoter… c’est très bien sinon. Fascinant, drôle et régulièrement surprenant jusqu’à son terme. Je valide.
L’année ciné commence bien !