Ce n'est pas à proprement parler une adaptation du roman de Loti par Pierre Schoendoerffer. En fait, il s'inspire des personnages du roman qu'il transpose au XXème siècle dans les années 50 où la marine est à moteur, où des liaisons radio existent, bref où les choses - matérielles -sont complètement différentes.
Au générique, Schoendorffer fait une dédicace du film aux marins disparus en mer autour de l'Islande, et en particulier à un ami de Pierre Loti. La dédicace est soutenue par une belle chanson "la complainte de Gaud" interprétée par Colette Renard et par des photos de vieilles épaves de bateaux.
C'est pourquoi, on peut donc pardonner à Schoendorffer d'avoir pris la liberté de faire revivre les personnages du roman dans un contexte moderne et complètement différent. Il en va comme des mythes, ils sont intemporels … et les personnages du très beau roman de Loti sont ainsi devenus mythiques.
Le scénario a placé l'action du film à la fois en mer plutôt du côté de l'Irlande et à Concarneau. Gaud est la fille de l'armateur Mével. Ce dernier emploie Yan Gaos, qui vient d'obtenir son premier commandement sur un chalutier dont le nom est "Pêcheur d'Islande". La boucle est bouclée !
La "Gaud" du film est bien plus délurée et extravertie que la "Gaud" du roman mais tant de générations pour passer de l'une à l'autre ont bien dû transformer et façonner les différentes "Gaud" pour en arriver à celle de 1958. Seules, la pureté et la force de l'amour restent intemporelles. Il y a une fatalité dans le roman que refuse la "Gaud" du film.
La mise en scène est très réussie et s'appuie sur la belle photographie de Raoul Coutard. Les scènes de bateaux prises dans la houle et la tempête sont spectaculaires (comme le seront celles du Crabe-Tambour près de 20 ans plus tard où officiera encore Raoul Coutard!).
Le casting, par contre, est un peu inégal.
Le rôle de Gaud est assuré par une émouvante et belle Juliette Mayniel dont le regard clair porte une énergie "à déplacer les montagnes" et à battre le destin sur son terrain. Je connais mal cette actrice qui a joué dans "les cousins" de Chabrol. Ici, elle est très convaincante.
Le père de Gaud est interprété par un excellent Charles Vanel dans un rôle d'armateur, ancien patron de bateau de pêche. Sous son aspect un peu rude et bourru, il cache un cœur d'or.
C'est l'interprétation du personnage de Yan par Jean-Claude Pascal qui m'a paru un peu faible en particulier dans les scènes de bateau en perdition. Il fait le job cependant mais … Peut-être est-ce le personnage qui manque de substance, je ne sais pas.
Moustache dans le rôle d'un gendarme méridional apporte une note comique au film. A noter un petit rôle, celui de Sylvestre, assuré par Georges Poujouly (il avait connu son heure de gloire dans le rôle du petit garçon de "Jeux interdits")
Au final, c'est un film que j'aime bien et qui est un bel hommage à ces marins-pêcheurs. C'est normal puisqu'il est de Pierre Schoendoerffer.