Il y a quatre ans ‘’Dernier Train pour Busan’’, film d’infecté virtuose, venait mettre un petit coup de boost à un genre surexploité tombant peu à peu en désuétude. C’était avec une maestria spectaculaire que Yeon Sang-Ho mettait en scène l’émergence d’un virus extrêmement contagieux, en plaçant son action en huis-clos, dans un train. Un lieu inédit pour le genre, qui en fait toute son originalité. Original, passionnant et d’une richesse incroyable, il est encore aujourd’hui des plus efficace.
Voilà, quatre ans sont passées et il est tout a fait légitime d’attendre avec impatience la suite de cette grande réussite. Arrive donc sur nos écrans ‘’Peninsula’’, qui démarre son récit directement là où s’achève le premier opus. Suivi d’une ellipse de quatre ans qui permet de nous plonger dans une Corée du Sud post-cataclysmique. Une tournure des plus bienvenue puisque cela sous-entend que Yeon Sang-Ho ne sera pas dans la répétition.
À y réfléchir, avec le recul, décliner la recette du premier n’aurait peut-être pas été une si vilaine idée, tellement ce ‘’Peninsula’’ est d’un ennuie monstre, dû essentiellement à un manque d'ambition criant. La faute à un scénario simpliste, bien que le genre ne demande pas forcément une grande complexité. L’intérêt principal se trouve dans les rapports humains, un facteur qui était complètement réussi en 2016, mais qui se casse ici complètement la margoulette.
C’est bien simple, les personnages ne sont pas des personnages. Ce sont des fonctions, désincarnées, aux attitudes prévisibles, totalement lambda ils interagissent de manière attendu dans un décorum ultra-codifié, où ne réside aucune d’originalité. L’ensemble est cousu de fil blanc, il n’y a aucuns enjeux, aucunes tensions, aucun suspens. C’est vide.
De plus, il est vraiment impossible de s’attacher aux personnages. Prenons en exemple le rôle principal, un militaire bad ass, qui vit sur le fil, soit un personnage classique, vu des millions de fois. Il n’a aucun background, aucune expression, aucun charisme, aucune texture, rien n’indique les particularités de son idiosyncrasie et ses motivations sont nazes. Il est à l’image du métrage, raté.
Pour le reste, Yeon Sang-Ho se contente de jeter en pâture tous ses personnages, dans des scènes d’actions peu impressionnantes. Sans prendre bien sur le temps de les approfondir. La comparaison avec ‘’Dernier Train pour Busan’’ devient alors plus que tentante, puisque sa réussite principale réside justement dans ses personnages. Comme ce père *workaholic* qui néglige sa fille, après avoir négligé son mariage. Cela permet d’apporter une belle réflexion sur la famille, le lien de parenté, le rapport de l’enfant au parent, construisant finement une séquence finale des plus émouvantes.
Et ce n’est là qu’un exemple, tellement le film regorge de personnages croustillants. Bien qu’également des fonctions, ils évoluent au fil d’un récit riche par son mélange des genres. Car en plus d’un film d’infectés c’est aussi un drame social, une comédie de mœurs, une satire... Chaque personnage incarnant un genre différent. Dans le cas de ‘’Peninsula’’, c’est juste une œuvre post-cataclysmique de plus, sans aucune portée, avec des scènes d’actions lambda et des tentatives minables de créer coûte que coûte un pathos forcé dénaturé.
L’émotion ne peut pas fonctionner, car à aucun moment il n’est possible de s’attacher aux personnages. Quand ils meurent, et bien ça ne fait ni chaud ni froid. Encore une fois, il est difficile de ne pas faire la comparaison avec le premier volet, où lorsqu’un des protagonistes se font mordre, une tristesse s’immisce, car ils sont attachants. Là, c’est foiré.
De plus, ‘’Peninsula’’ se contente de recopier sans imagination ‘’Day of the Dead’’ (1985) et ‘’Land of the Dead’’ (2004) de George A. Romero, en empilant les clichés. C’est un goût permanent de déjà vu ailleurs, en mieux, et complètement dénué de toute portée politique. Alors que c’est ce qui fait toute la particularité du genre. Que ce soit des zombies ou des infectés, ces sujets sont souvent prétextes à dresser des portraits vitriolés de nos sociétés. Comme c’était d’ailleurs le cas pour ‘’Dernier Train…
Et le recopiage ne s’arrête pas là, puisque la dernière scène d’action tente vainement d’imiter Mad Max, avec des effets spéciaux mal intégrés, des enjeux opaques, et une intensité digne de l’activité cérébrale d’un légume. En revanche l’ultime séquence est absolument fascinante, tellement elle résume à elle seule tous les malaises et le naufrage total de ce film.
Sous la forme d’une longue scène se voulant émouvante, étirée au maximum, jusqu’à l’absurde, puisque n’oublions pas que les infectés courent… Donc qu’il y a une dynamique de vitesse… Durant cette séquence, Yeon Sang-Ho essaye de nous faire ressentir de l’empathie pour des personnages dont le monolithisme empêche toute émotion. Des personnages qui de bout en bout du métrage seront restés les mêmes. Aucune évolution n’étant notable chez les survivants.
Bref, ‘’Peninsula’’ souffre très certainement de la comparaison avec son illustre aîné. Mais en même temps, nous étions en droit d’attendre une œuvre un peu plus honnête, plus riche et surtout plus construite. Ce n’est pas le tout d’empiler des clichés et des conventions sans aucune logique, en espérant que ça fonctionnera et que naitra un grand film. Ça ne fonctionne pas comme ça. Ça se saurait.
Résultat d’un travail malhonnête ou constat d’échec d’un cinéaste touché par la grâce pour son premier film live (Yeon Sang-Ho est à l’origine un réalisateur d’anime), ‘’Peninsula’’ n’est jamais captivant, émouvant, amusant ou encore palpitant. La palme du foirage revenant certainement au fait que ça ne soit jamais gore… Avouez que pour un film avec des cadavres qui courent et qui mangent des gens, c’est quand même un sacré manquement à la satisfaction des Horrivores amateurs d’anthropophagies...
Vraiment, une immense déception.
-Stork._