Quand le cinéphile à l'affût de petits chefs d'oeuvre jouit du plaisir d'en dénicher un, il se doit de le partager.
Gregory La Cava à l'instar de Preston Sturges ou Julien Duvivier appartient à cette caste des petits maîtres oubliés dont on entend souvent parler sans avoir toujours l'opportunité de voir un de leurs films.
Hollywood en fit un paria. Selon ses détracteurs en raison d'une propension alcoolique , pour d'autres à cause de méthodes de travail vraiment pas orthodoxes. Dans les deux cas, il semblait ardu de collaborer avec lui.
Issu du cartoons et du film de gag muet, il s'est parfaitement adapté au parlant, au monde du théâtre et à la sacro sainte screw ball comedy.
Sur le papier, "Stage door" est de cette trempe. Tiré d'une pièce de théâtre parlant de la difficulté pour les comédiennes de percer dans l'univers impitoyable de Broadway à NY City, il bénéficie de l' apport du dramaturge Morrie Ryskind dont le nom ne dit rien à personne mais qui est le roi des dialogues au brio insensé ( il est derrière "his girl friday" de Hawks pour éclairer les aficionados. )
La première demi-heure défile ainsi tambour battant entre grandes scènes collectives où il s'agit d'avoir le dessus, et duels non moins fratricides. On se la joue enjouée, insolente, pour mieux masquer sa fragilité.
D'après Serge Bromberg, notre cinéaste aurait demandé aux comédiennes de loger sur place toutes ensemble pour reproduire les conditions de cette pension d'artistes qui les abrite dans les films. Il aurait profité de l'occasion pour piquer bon nombre d'idées et de dialogues en observant l' alchimie entre elles.
Ce film est question d'alchimie. Elle peut ne pas prendre si vous regardez le film en VF ( sans m' étaler, j'ai été contraint de commencer de voir le film en VOst puis VF et enfin ouf! retour VOst ), si l' aspect théâtral vous rebute, ou si vous ne supportez pas que tout repose ou presque sur les dialogues.
Mais si vous vous accrochez, vous découvrirez une autre facette du film dévoilée par petites touches et qui peu à peu transforme la tonalité du film entier. Revenons en à La Cava. Ajouté à ces méthodes de travail confinant au réalisme, il a un véritable souci des rapports sociaux, jouant de manière sans doute trop évidente des contrastes entre filles du "peuple" et "fille de" incarnée sans trop avoir besoin de jouer par la Grande Kat. Cette histoire de jeunes apprenties comédiennes qui rament dans leur pension est plus qu'un prétexte à des joutes féminines qui m'aurait lassé le premier. Il va au cœur de cela bien franchement, une peu trop mélo à l'anglo-saxonne peut être ( cela en freinera certains ), façon cercle des poètes disparus avant l'heure pour les plus sagaces.
Il s'appuie surtout sur une bande de comédiennes géniales.
Et en osmose avec ce qu'elles jouent.
Moi le grand admirateur de l' aristocratique Hepburn, je dois confesser avoir été subjugué par l' authenticité de Ginger Rogers, effaçant définitivement en moi l'image de simple comparse de Fred Astaire. Et que dire du mielleux Adolphe Menjou ( plus tard immonde Général Broulard dans les Sentiers de la Gloire ) ?
Au delà de la trajectoire surprenante du film, sacrifiant la sacro sainte et so frenchy unité de ton, je garderais en mémoire énormément de séquences où les génies des personnes citées a fait alchimie. Pas forcément celles avec le plus de brio, ni celles avec le plus de mélo. Ce qui n'est pas le moindre mérite, si ce n'est le véritable trésor de ce film. Une Famille désormais chère à mon cœur.
Pas le chef d'oeuvre donc, mais ce petit trésor méconnu.