Perfect Days
7.4
Perfect Days

Film de Wim Wenders (2023)

Long, immense et raisonné émerveillement du quotidien

Le quotidien de Hirayama, employé pour nettoyer les toilettes publiques de Tokyo, est une routine déconcertante qui lui semble pourtant être délicieuse. Montrer cette rengaine prend ici un sens existentiel. La clef du film est ainsi confirmée à la fin, avec la mention du mot "Komorebi", propre à la culture japonaise ou "la danse des feuilles dans le vent" et le jeu des raies de lumières qui s'y baladent. Un mot qui nous invite à capturer un moment de grâce dans ce qui nous entoure.

Le film est caractérisé par son peu de paroles, afin de laisser place aux sens et à la musique, notamment des tubes de rock des années 1970/1980. Dans sa rengaine quotidienne, Hirayama trouve inconditionnellement une source d'émerveillement et de joie: la mise en pot des pousses trouvées au pied des arbres du jardin dont il nettoie les toilettes; le développement des photos argentiques; l'insertion de cassettes radio dans le lecteur de sa voiture. Avec beaucoup d'attention au détail, le film ne se lasse pas de répéter ces étapes de la journée de notre personnage principal, que l'on se prend à admirer avec lui: la couleur du ciel ce jour-ci, l'impression que laissent les rayons du soleil dans l'arbre, le choix du nouveau livre à 1 dollar pièce et l'anecdote de la vendeuse.

Ces instants de poésie furtifs parcourent le film. Une belle mise en valeur des gestes, qui nous font trouver de la beauté dans ce qui paraît de premier abord ingrat. La magie opère, d'autant que les toilettes choisies ne sont pas n'importe lesquelles: elles ont été réalisées par des artistes, et sont presque des œuvres d'art! Une idée qui permet de littéralement trouver de la beauté dans ces lieux dénigrés, même si elle est du coup plus facile à véhiculer.

Cependant, même si il sert le propos, la lente présentation du quotidien est lent et long, surtout la première moitié. Peu de personnes gravitent autour du personnage principal: son aide au travail (en fait plus un poids qu'une aide), sa nièce, la gérante du bar. Leur virulence permet de souligner le tempérament de Hirayama, mais il y a quelque fois quelque chose de forcé dans leur jeu (ou bien est-ce la différence de culture européenne et japonaise?).

La scène finale sur la musique "Feeling Good" de Nina Simone est un moment d'anthologie: le gros plan sur le visage du personnage principal sur lequel s'enchaînent et se juxtaposent rires et larmes, joie et détresse, est absolument prenant. Comme un verre de saké, qui nous fait digérer le propos du film et réfléchir sur le sens profond de nos existences.

Nuwanda_dps
7
Écrit par

Créée

le 10 déc. 2023

Critique lue 35 fois

1 j'aime

Emilie Rosier

Écrit par

Critique lue 35 fois

1

D'autres avis sur Perfect Days

Perfect Days
VizBas
2

La vie à coups de javel

Perfect Days version Wim Wenders, c’est la chanson au singulier de Lou Reed, sans l’âpreté de la voix de Lou Reed, sans l’ambiguïté de son “You’re going to reap just what you saw”, geste de...

le 16 déc. 2023

36 j'aime

14

Perfect Days
Plume231
8

Quelques jours de la vie de Monsieur Propre !

Wim Wenders n'a jamais caché sa fascination pour le Japon. Il suffit de voir son immense admiration pour l'immense Yasujiro Ozu, observateur des mutations de la société de son pays par l'angle...

le 1 déc. 2023

32 j'aime

2

Perfect Days
Cinephile-doux
7

Les bonheurs de Monsieur Propre

Si le quotidien d'un nettoyeur de toilettes publiques, à Tokyo, vous passionne, alors les 30 premières minutes de Perfect Days, sans dialogues à signaler, vous ravira. Le film n'en restera pas là,...

le 28 mai 2023

26 j'aime

Du même critique

Tralala
Nuwanda_dps
8

Tralala dans l'air

La scène d’ouverture donne le ton magique car enivrant de "Tralala" : la poussière d’un squat miteux près à être démoli qui devient poussière d’étoiles et source d’inspiration pour une prochaine...

le 13 sept. 2021

11 j'aime

1

Paterson
Nuwanda_dps
9

Paterson: une réconciliation

Paterson est l'homme, la ville, le film de la réconciliation. Réconciliation entre la pauvreté de la ligne de bus 23 et la richesse des dialogues de ses passagers. Entre la laideur du chien et la...

le 29 déc. 2016

11 j'aime

Sœurs d'armes
Nuwanda_dps
6

Une entreprise louable mais qui se prend à sa propre critique

Rares sont les films qui portent une perspective féministe sur la géopolitique. Car rares sont les occasions que nous offre la vie réelle de promouvoir cette démarche. En s'attachant au commando de...

le 30 août 2020

8 j'aime

1