Deuxième (et déjà dernière, hélas) aventure aux côtés de Timothy Dalton après le très convaincant Tuer n’est pas jouer. Le seizième film de la saga est sobrement intitulé Permis de tuer, permis accordé à tous les agents « double 0 » des services secrets britanniques. Mais, pour James Bond, ça ne sera pas une mission comme les autres.


Tuer n’est pas jouer avait marqué un retour aux sources, vers une intrigue d’espionnage plus classique mais efficace, avec un James Bond plus réservé et sérieux. C’est dans cette lignée que se situe Permis de tuer, qui va cependant parvenir à bien se différencier de son prédécesseur, et même du reste des films de la saga James Bond. Le film s’ouvre sur la célébration du mariage de Felix Leiter, l’éternel ami de James Bond et agent de la CIA. Un mariage troublé par l’arrestation de Franz Sanchez, grand trafiquant de drogue qui, malgré le tumulte, n’empêchera pas le déroulement de la cérémonie. Tout est beau, tout le monde est heureux. Jusqu’à ce que Sanchez s’échappe, et se venge. Face à cette situation, Bond est submergé par la colère, et délaisse la mission qui lui était assignée pour venger son ami. Au mépris des ordres de ses supérieurs, Bond s’engage dans une vendetta dans laquelle il n’agit plus comme un agent missionné par les services britanniques, mais bien en son nom.


Jusqu’ici, James Bond avait pour tâche d’accomplir des missions, son engagement dépassant très rarement son rôle d’agent, dénichant des informations et n’hésitant pas à user de la force grâce à son permis de tuer. Le schéma assez répétitif suivi par les films (Introduction dans l’action, présentation de la mission, péripéties, affrontement final) a rendu certaines choses relativement systématiques, notamment le côté assez inatteignable et invincible de James Bond, qui se tirait toujours d’affaire avec un certain détachement. Le seul film à avoir proposé quelque chose d’assez différent auparavant était Au service secret de Sa Majesté, avec une posture différente pour Bond, notamment avec la présence de Tracy. Et autant Tuer n’est pas jouer semblait justement partager des similitudes avec cet épisode, Permis de tuer donne également cette impression. Permis de tuer est un épisode à part dans la saga James Bond, mettant en lumière l’homme plutôt que l’agent, le confrontant à ses véritables démons, une affaire personnelle où il doit prendre tous les risques.


On retrouve bien le côté dramatique du film précédent, avec un Timothy Dalton souhaitant toujours autant rapprocher le personnage de la réalité, laissant les apparences de côté pour plus de psychologie. A ses côtés, non plus une mais deux James Bond girls, notamment Pam Bouvier, incarnée par Carey Lowell, qui se distingue par sa poigne et son caractère qui secouent James Bond et son côté macho, quant Talisa Soto incarne une James Bond girl plus orientée vers la sensualité et la fragilité, plus traditionnelle. En face, il trouve un ennemi coriace et charismatique en la personne de Franz Sanchez, incarné par Robert Davi, qui suit une trajectoire rappelant quelque peu celle d’Auric Goldfinger dans le troisième film de la saga, avec ce jeu malsain mêlant méfiance et confiance et, surtout, cette image d’un James Bond qui doit rentrer dans le jeu de son adversaire pour le faire déjouer. Et, bien sûr, on pense à Benicio del Toro, ici encore tout jeune et dans l’un de ses tous premiers rôles, déjà totalement impliqué dans son rôle d’homme de main imprévisible et nerveux.


Là où tous ces éléments convainquent, c’est peut-être dans le scénario, son déroulé, et la mise en scène que le film trouve des limites, la faute, peut-être, à un John Glen allant au-delà de ses capacités. Mais ce n’est pas cela qui empêche Permis de tuer d’être un épisode remarquable de la saga, autant dans ce qu’il propose qu’en termes de qualité. Cette volonté d’engager personnellement James Bond rompt avec un schéma qui s’était établi depuis longtemps dans la saga, et propose un véritable renouveau. Hélas, c’était peut-être trop tôt. La période qui suivra la sortie de Permis de tuer sera tumultueuse pour la EON et la MGM, notamment pour des conflits d’ordre légal, repoussant de plusieurs années la sortie du film suivant. Timothy Dalton décidera alors de quitter la saga après deux films seulement, à notre plus grand regret. Il a su imposer un style différent, plus moderne, rompant avec les traditions sans trahir l’esprit dans lequel a évolué la saga, et il aurait été intéressant de le voir poursuivre sur sa lancée. Toujours est-il que si sa popularité n’est pas aussi élevée que celle d’autres tenanciers du rôle, il mérite grandement d’être reconnu davantage.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

Créée

le 4 oct. 2020

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