"Persona" débute par la projection d'un compte à rebours, de séquences de vieux films muets : un squelette, la mort, le diable - défilé saccadé d'images de notre inconscient cinématographique. Le croupier Bergman coupe son jeu de cartes et mélange les deux paquets à toute vitesse. Vous n'y comprenez rien ? c'est normal, la partie de bataille s'engage ensuite, une bataille de masques où deux Dames au jeu inégal, en théorie partenaires, découvrent leur rivalité inexpugnable.
La Dame de pique joue le rôle d'Électre, quand elle s'arrête et quitte brusquement la scène. Depuis trois mois elle ne parle plus. Que s'est-il passé ? Elisabet Vögler ne supporte-t-elle plus son métier de comédienne ? S'agit-il d'un problème plus personnel ? Ou veut-elle jouer un nouveau rôle, celui d'une muette observant les réactions de la société (famille, mari, monde du spectacle, médecine...) ?
La psychiatre de l'actrice est persuadée qu'Elisabet est en bonne santé physique et psychique, son refus de communiquer avec autrui vient d'une décision délibérée et réfléchie... Elle tire une Dame de cœur pour lui tenir compagnie dans sa résidence personnelle en bord de mer. La jeune infirmière Alma, consciente de son manque d'expérience, jouera donc une partie difficile.
Infirmière et "malade" apprécient le beau temps, leur solitude à deux, les promenades sur la grève et la lecture en plein air. Elisabet la mutique écoute Alma parler de sujets de plus en plus personnels, leurs rôles s'inversent, l'infirmière devient patiente et la patiente psychanalyste. Liv Ullmann (Elisabet) au visage énigmatique - front bombé et lèvres pulpeuses - écoute le bavardage ininterrompu de Bibi Andersson (Alma), garçon manqué espiègle et vif argent, à la sensibilité à fleur de peau. La Dame de cœur croit parler à une amie, confie à la Dame de pique un secret sexuel et sa maternité frustrée.
Mais qui sont Elisabet et Alma ? Sous combien de masques enfouissent-elles leur véritable personnalité ? Alma raconte à Elisabet qu'allongée sur une plage, elle incita un jeune inconnu à lui faire l'amour, il l'a fait jouir comme jamais (son mari est incapable d'une tel exploit). Elle a agi contre ses principes, sans aucun remords. Deux femmes opposées cohabitent-elles en Alma ? Alma tomba enceinte et leur couple décida de se débarrasser du fœtus... crise de nerf de la jeune femme... Plus tard Alma découvre qu'Elisabet abuse de ses confidences, sa déception est immense et leur brève idylle explose.
Alma se venge mais la Dame de pique gagne aisément leur combat de masques. La tragédienne impose sa volonté et sa personnalité en un duel d'identités cruel : le visage d'Alma est colonisé peu à peu à l'écran par celui d'Elisabet, jusqu'à coïncider avec lui. Quel cas de vampirisme intégral ! Conséquence inattendue, l'infirmière découvre ainsi de l'intérieur le secret de l'actrice et le raconte deux fois de façon identique, comme une possédée... Elisabet est devenue mère sans amour pour expérimenter le masque de la maternité, mais n'éprouve rien pour son garçon, dont l'amour lui pèse et l'encombre. La bataille problématique des masques est incommensurable.