Quelques jours que Persona est dans ma tête à me triturer pour tenter d'en découdre avec cette histoire de vampirisme (explicité par une scène très équivoque). J'ai du lire une dizaines de critiques pour aiguiser ma pensée, regarder quelques avis par-ci par-là : tout cela pour conforter l'idée que je m'en étais faite.
Envoyer Halifax vers un film suédois sous-titrés français ce n'était pas une mince à faire. Déjà que dans ma pure naïveté je ne savais même pas que le film était en suédois. Mais bon, quand faut y aller, faut y aller ! En plus, tombant sur cette scène d'ouverture totalement folle, je vous avoue que j'ai eu très peur de passer un très mauvais moment.
J'ai en effet passé un "très mauvais moment" mais ce fut pour mon plus grand plaisir. Déjà parce qu'au final, cette scène d'ouverture donne la "réponse" de ce qu'est le film mais qu'en plus c'est une expérience unique de transfert de personnalité, de traduction cinématographique de la personne et de la conscience, du physique et de l'esprit, de l'âme et du corps. Un mauvais moment dans le sens où durant tout le film je ne savais pas ou on allait. Bergman nous balade dans un labyrinthe de personnalité foutrement intelligent.
Persona est d'abord une claque visuelle. Bibi Andersson (MAGNIFIQUE) et Liv Ullmann (idem) sont filmées de près, leur visage fait de lumières et d'ombres. Idée très bien retranscrite par Guyness dans sa critique avec l'idée du film en "blanc et noir". Visuellement c'est magnifique, immersif et oppressant avec une mise en scène qui sans cesse se referme sur les deux protagonistes. Se rapprocher, sans cesse se rapprocher pour, au final, finir par ne faire qu'un. Sur les plans plus larges, Bergman repose son cerveau : caméra fixe la plupart du temps (et traveling). Ce qui n'est pas plus mal d'ailleurs. En témoigne cette scène digne d'un théâtre avec ces morceaux de verres. Le tensiomètre est à son comble. C'est d'un sadisme extrême car on sent la tension montée entre les deux femmes. L'ambiance grimpe sans cesse en tension. Sans jamais laisser le spectateur se reposer sur un acquis quel qu'il soit, Persona n'est jamais immobile, les personnalités sont changeantes, se lient et délient au gré des échanges et des tensions.
Pendant que cette actrice ancrée dans son mutisme absorbe l'expérience et le vécu de son infirmière, celle-ci, se vide totalement de toutes ces choses qui l'habitaient. L'une se vide, l'autre se rempli. Terrible image que cette scène de vampirisme, sur le coup quasi vide de sens mais qui par la suite prend tout son sens alors que les deux visages fusionnent. Avant cela, toute la partie sur l'arrivée du mari nous avait pourtant mis la puce à l'oreille. Le corps et l'esprit, l'une est le physique, l'autre la conscience.
Une aventure psychanalytique inégalée qui vient titiller nos méninges et nos neurones. Une aventure où il faut aussi accepter de ne pas tout saisir, de ne pas tout comprendre. L'inexplicable ne se comprend pas.
Bergman propose ici un objet totalement inclassable. Ni un film "intello", ni un film "bobo", ni je ne sais quoi. Juste quelque chose de différent. Où il se permet de nous apostropher directement en cassant le 4ème mur avec une esthétique rare. En témoigne cette somptueuse image de ces deux femmes face caméra, nous regardant. Fabuleux de beauté.
A la fois quasi philosophique en imageant une forme de contraction de personnalité et esthétique. Persona fait partie de ces films qui resteront des éléments uniques du cinéma. De part le concept et l'idée mais aussi par son caractère subversif et oppressant. Une expérience unique pour ma part, une satisfaction aussi de m'être ouvert à cela non pas pour "paraitre" mais pour s'étoffer intérieurement.
Cet avis n'est qu'un avis de plus sur un film connu et reconnu mais qui devrait avoir une place bien plus grande tellement l'expérience est unique. Un thriller psychanalytique fantastique.