Un polar urbain alliant les codes cinématographiques français et américains
En 1974, alors qu'il a déjà signé ses plus grands films (« La vache et le prisonnier », « Un singe en hiver », « Le clan des siciliens »...), Henri Verneuil signe un polar urbain qu'un Michael Mann n'aurait pas renié. « Peur sur la ville » raconte le dilemme du commissaire Letellier entre traquer le truand Marcucci qui a brisé sa carrière quelques années plus tôt et attraper un mystérieux tueur de femmes se faisant appeler Minos.
Porté par la musique froide et stressante (comme un bon polar urbain) mais aussi avec quelques notes inimitables de western d'Enio Morricone, le film est devenu le polar culte français des années 1970. Jean-Paul Belmondo n'y est pas pour rien. Assumant l'intégralité des cascades du film, il incarne avec brio ce commissaire détruit et désabusé qui ne cherche qu'à obtenir vengeance quitte à laisser s'échapper un tueur de femmes aux mœurs légères.
Mais il n'est pas le seul dans l'entreprise et le reste du casting est très bon. Charles Denner, Adalberto Maria Merli, Lea Massari ou Rosy Varte viennent compléter l'excellente distribution du film. Cependant, on pourra regretter que certains personnages soient peu développés à l'image de l'inspecteur Charles Moissac qui ne sert que de bras droit à Belmondo comme une béquille à un estropié. Le personnage n'obtient jamais sa petite intrigue.
Enfin, c'est sans doute la mise en scène d'Henri Verneuil qui impressionne le plus. A l'apogée de sa carrière et maîtrisant son art avec perfection, sa mise en scène est virtuose et très contemporaine : travellings, panoramiques, zooms avants... La réalisation sait allier les plans fixes par moments et des plans plus nerveux à d'autres. Henri Verneuil se mue en oiseau déployant ses ailes-caméras au-dessus de Paris, en témoigne cette splendide course-poursuite entre Letellier et Minos sur les toits de Paris où les jeux de perspective sont admirables (Orson Welles n'aurait pas fait mieux !).
Si le film a sans doute pris un petit coup de vieux, si certains personnages sont délaissés par le scénario, « Peur sur la ville » mérite son statut de polar culte. Avec une réalisation si moderne et quelques scènes mémorables grâce au courage de Belmondo (pour ses cascades), le film est un vrai bon polar à l'intrigue bien ficelée quelque peu inspirée du cinéma américain (la musique, l'ambiance froide et glauque, le personnage de Letellier où l'on pourra retrouver un peu d'inspecteur Harry, les cascades dignes d'Hollywood...).