Ce film est considéré quasi unanimement comme un gros gadin dans la carrière de Cédric Klapisch. Et malheureusement, je ne le vois pas non plus autrement.
Le réalisateur de Chacun cherche son chat s'essaye ici à la science-fiction. Mouais, il n'aurait pas dû... vraiment pas…
On est le soir du réveillon qui marque le passage à l'an 2000. L'action se déroule dans le très grand appartement parisien d'un ami de notre personnage principal. Le logement est bondé d'êtres humains ayant dépassé largement la limite autorisée pour conduire. Alors, notre personnage principal, justement, est en désaccord avec sa petite amie qui voudrait bien un enfant. Mais lui n'est pas trop chaud, notamment pour des raisons financières (parce qu'élever un gosse, ça coûte un pognon de dingue !). Il va aux chiottes et découvre dans le plafond un tunnel qui le fait voyager dans le futur d'un Paris enseveli sous le sable...
Stop, stop, stop, pause…
Il y a un tunnel dans le plafond des toilettes. On est d'accord. L'appartement est bondé de fêtards bien beurrés. On est d'accord. L'alcool est un puissant diurétique et, en grande quantité, peut être un vomitif fort. On est d'accord. Donc, au cours du récit, il y a au moins une personne, autre que le protagoniste, à avoir besoin de soulager un besoin pressant et qui découvre aussi le passage… Euh, en fait, non, les fêtards ont une vessie blindée ne ressentant pas la nécessité d'être vidée ou alors, ils ont des problèmes rénaux… OK, OK…
Alors, il y a la petite amie qui demande au meilleur pote de son mec s'il n'a pas vu ce dernier. Le meilleur pote lui répond qu'il est certainement aux toilettes. Qu'est-ce que fait ensuite la petite amie ?
Réponse A : Elle se dirige vers les toilettes pour voir si effectivement son amour n'y serait pas (ce qui fait qu'elle remarquerait elle aussi le tunnel !).
Réponse B : Elle le cherche partout dans le logement, sauf dans les toilettes.
Petite indice : c'est la réponse la plus conne qui gagne.
Non, mais sérieux, là, rien que ça, c'est débile.
Je continue... dans le Paris ensablé, notre héros croise ses descendants qui tentent de le convaincre d'injecter son précieux sperme au bon endroit pour qu'ils puissent exister...
Bon, le futur. Un Paris ensablé, en voilà un truc intéressant pour développer un univers futuriste dans lequel la technologie semble absente et pour parler, pourquoi pas, de réchauffement climatique. Euh, stop, en fait, non, ce n'est nullement approfondi, alors laissez tomber.
Bon alors, il y a une réflexion subtile et touchante sur la paternité, avec une relation père et fils, s'appuyant avec saveur sur le fait que le premier soit joué par le jeune Romain Duris et le second par la légende Belmondo, d'un charisme affolant avec sa crinière de vieux lion, pour qu'il soit crédible que le futur géniteur se laisse convaincre (avec le spectateur !) que la paternité, c'est trop formidable (ouais, on se doute bien que le réalisateur veut à toute force que la réponse soit positive... contre toute logique ici !) ?
Euh, non, on voit juste des descendants, plus proches d'Affreux, sales et méchants que des Ingalls, kidnapper et attacher leur ascendant sur une chaise pour qu'il cède à leur désir d'exister. Et en bonus, il y a Olivier Gourmet, en faisant dix mille tonnes, en petit-fils violent et utilisant inconsidérément une arme. Dans la réalité, avec des tarés comme ceux-là en dessous de lui dans l'arbre généalogique, même un type, acharné à vouloir des enfants, s'inscrirait direct pour une vasectomie. Mais comme l'ensemble encule bien profond la logique... bref…
Ne sachant plus comment faire durer son film, Klapisch s'ensevelit définitivement dans le brouillon le plus total en décidant que des gens du futur s'infiltrent dans la fête se déroulant pendant la nuit de la Saint-Sylvestre 1999. Cela a bien sûr des conséquences irrémédiables sur le cours du temps et le destin de certaines personnes… Euh, non… Bon, il y a bien des parties du corps qui s'effacent sporadiquement, mais c'est tout… Ben ouais, pourquoi ne pas aller dans le banal pompage d'une idée scénaristique et visuelle de Retour vers le futur.
Ouais, c'est à chier... c'est du n'importe quoi... c'est ce qui ne faut surtout pas faire en termes d’écriture...
Et pourtant, au début et sur la fin, il y a des petites parcelles qui sont dignes d'intérêt. Quand ils filment la jeunesse fêtarde, quand il met en place des interactions au sein de celle-ci, le cinéaste est très bon. Il a dû le comprendre puisqu'il donnera quelques années après L'Auberge espagnole.
D'ailleurs, les meilleures interprétations du lot sont celles de Vincent Elbaz et de Jean-Pierre Bacri (qui m'a fait mourir de rire par sa manière de s'énerver tout en étant dans sa retenue de grognon !), tout simplement parce que les personnages qu'ils incarnent sont directement et uniquement liés à ce sujet et pas du tout au truc déplorable de SF à deux sous.
Si l'histoire s'était contentée de raconter une célébration de l'arrivée de l'an 2000 organisée par un frère (joué par Elbaz !) et une sœur dans le grand appartement luxueux parisien de leurs parents, avec la promesse que rien ne soit endommagé ou détruit, mais qui dégénère par l'arrivée massive d'incrustes s'en foutant des murs ainsi que du mobilier, le tout avec l'intrigue du protagoniste qui hésite à faire un mioche à sa compagne, ça n'aurait peut-être pas été exceptionnel globalement, mais un million de fois mieux que ce que l'on a. La fraîcheur et la vivacité, apparaissant habituellement dans les meilleurs films du metteur en scène, auraient fait naturellement le reste.
Il aurait fallu dire adieu à la SF, il aurait fallu ne pas se laisser aller à la tentation bien tentante d'avoir Bébel devant sa caméra, mais bordel, Peut-être n'aurait pas été l'échec désastreux qu'il est.