Traumatisé par sa première expérience en studios (l'inédit en France Get to Know Your Rabbit) où il fut évincé avant la fin du tournage, Brian De Palma se venge à sa manière en proposant une adaptation rock démesurée du classique de la littérature française "Le Fantôme de l'Opéra". Retranscrit dans les années 70, bourré de drogues et de filles en petites tenues, Phantom of the Paradise est une œuvre autant singulière que hypnotisante, prouvant dès sa sortie le statut désormais culte de son metteur en scène.
À la fois sombre et désespéré mais aussi parfois drôle et surtout enjoué, le long-métrage puise sa force dans son adaptation fantasque et inédite du roman de Gaston Leroux mais aussi du mythe de Faust, de "La Belle et la Bête" et du "Portrait de Dorian Gray". Débarrassé d'exécutifs empiétant sur ses plate-bandes, De Palma livre un film atypique, personnel, déjanté, cruel, une histoire de vengeance matinée de fantastique baignant dans une atmosphère musicale envoutante. Un brin précipité dans ses prémices et son final, le scénario n'en demeure pas moins exaltant, servi avec brio par la maestria du réalisateur américain qui use et abuse de ses codes pour en mettre plein les yeux.
Split-screen, caméra subjective, décors à la fois gothiques et bariolés, plans audacieux, sonorités expérimentales, références cinématographiques à la limite de la parodie, érotisme soft et meurtres sanglants... Le réalisateur de Sœurs de sang se lâche dans une démesure excentrique seyant parfaitement aux thématiques choisies. Sacralisé par l'atypique Paul Williams (musicien de base, prêtant par ailleurs sa voix au Fantôme), incroyablement photogénique en grand méchant du film face au masqué William Finley dont le regard incisif et les mouvements de la bouche béante explore mille et une expressions angoissantes. Tragique, virtuose, entêtant, l'un des chefs-d’œuvre de Brian De Palma et un opéra-rock culte qui mérite amplement son statut.