Réalisateur notamment de l'excellent "Nos meilleures années", Marco Tullio Giordana propose ici une reconstitution aussi neutre et objective que possible des évènements qui suivirent et précèdèrent l'attentat de la Piazza Fontana à Milan, en décembre 1969. Cette affaire est considérée comme le point de départ des "années de plomb" qui ensanglantèrent l'Italie des années 70-80.
Utilisant la véritable identité des protagonistes, Giordana articule son vaste récit choral autour de deux personnages principaux, le syndicaliste Pinelli (Pierfrancesco Favino) et le commissaire Calabresi (Valerio Mastandrea), deux des victimes les plus illustres de ces évènements dans la mémoire collective italienne. Au passage, Giordana en profite pour réhabiliter le commissaire Calbresi, figure généralement honnie dans l'opinion publique, le cinéaste insistant davantage sur la responsabilité - active ou passive - de certains hommes politiques.
Souhaitant s'éloigner d'un simple reportage télévisuel commémoratif, Giordana envisageait au départ de tourner en noir et blanc, avant de renoncer, optant finalement pour une photo sombre aux couleurs désaturées, contrebalancée par de la musique d'opéra qui vient souligner les passages les plus lyriques.
La construction narrative en chapitres thématiques - généralement assez brefs - dynamise le récit, et après une mise en place forcément un peu laborieuse, on se prend clairement au jeu et le film devient passionnant.
"Romanzo di una strage" se veut pédagogique, notamment à destination des jeunes générations ignorantes de cette affaire, de sorte que le spectateur français peu au fait de l'histoire politique italienne ne sera pas trop perdu. Certes, plusieurs passages demeurent assez nébuleux, en particulier au cours de la première heure, mais on parvient toujours à raccrocher les wagons, quitte à effectuer une petite recherche complémentaire sur le web à la fin de la projection.