Tous les films réussis de Kim Ki-duk sont des contes. Locataires, chef d'œuvre absolu, parle d'amour, de liberté, et atteint un niveau de grâce quasiment magique. Si Pieta est un conte, c'est un conte macabre, sordide, désespérant.
Pieta est un film sur la violence du monde. Pieta est un film extrêmement violent. Toujours hors-champ, relayée par un son off amplifié, la violence physique nous vrille le ventre tout au long d'un film construit comme une longue litanie. Les paroles sur l'argent reviennent en boucle, la misère, la crasse, la désespérance, hantent un film sans issue, d'une noirceur rarement vue.
Le héros est foncièrement antipathique. Totalement seul et viscéralement sadique, il erre tel un spectre dans une sorte de bidonville urbain, peuplé d'artisans sans le sou qui accomplissent des tâches aussi répétitives qu'absurdes. Le héros change lorsqu'arrive une femme dont la douceur contraste, femme qui lui demande pardon, qui dit être sa mère - celle qui l'a abandonné à sa naissance.
Comme pour tous ses films, Kim Ki-duk travaille en décalage. La réalité n'est plus la réalité. La temporalité se vrille. Au spectateur de faire les chemins, de recréer les liens, de définir les sens. Parfait négatif de Locataires ou de Printemps, été, automne, hiver... et printemps, dont la luminosité touchait au divin, Pieta n'est pas beau, pas aimable, pas poétique. Le tortionnaire change alors qu'il vient d'accomplir le pire. Aussi radical et absurde soit-il, ce changement de nature, s'il lui impose la conscience de souffrir, ne lui apporte qu'une désespérance supplémentaire. Si sa mère trouve le salut, du moins le croit-elle, son parcours n'est pas plus enviable.
Film fermé, sans issue, d'une noirceur absolue, regard lucide porté sur nos sociétés suicidaires, notre monde en totale putréfaction, Pieta est une prière désespérée.
De Kim Ki-duk, on préférera toujours la lumière aux ténèbres.