A la lecture du synopsis, une jeune femme mentalement troublée échappée d'un asile trouve refuge chez un fermier malsain qui nourrit ses porcs de chair humaine, on serait en droit d'espérer un film ultra violent, gore, dans lequel les mises à morts seraient une surenchère d'inventivité de l'horreur, où les hectolitres de sang versés feraient s'étrangler d'effroi n'importe quel anatomiste.

Le film déjoue totalement ces attentes et se propose d'être davantage un film d'atmosphère. Une atmosphère poisseuse, cradingue, malaisante, ambigüe, sombre d'où la peur va naître, non pas de la surenchère horrifique, mais de l'apparente banalité et humanité des personnages.


Ce choix m'a finalement peut-être bien plus intéressé et passionné que s'il avait été plus radical et granguignolesque. En effet, ce choix oblige le cinéaste à soigner tous les aspects de sa réalisation pour tout de même conférer au spectateur les sentiments d'angoisse, voire de terreur sous tendus par le projet. En résulte un sens du cadre qui vient appuyer la notion du hors champ, du hors cadre, qui jamais ne sera trahie, soustrayant systématiquement à notre regard, et laissant donc à la fertilité de notre imaginaire, les meurtres les plus violents. Si à de rares occasions nous sommes présents dans le lieu où la victime se fait occire, cela s'apparente plus à une carotte offerte à notre pulsion scopique qu'à une réelle digression philosophique vers le slasher pur et dur.


En résulte une photographie granuleuse, boueuse, qui sent la sueur, la merde, la bauge, l'alcool rance et qui à l'instar de la caractérisation des personnages, quelle que soit leur importance dans le récit, vont créer une ambiance de malaise palpable, d'impression lancinante de fin de race, d'atavisme. Ces lieux étranges où les femmes paraissent avoir disparues du monde, ces lieux angoissants où le plus insignifiant des hommes revêt quand même cette aura de malaise qui pousserait toute personne sensée à aller planter sa tente quelques kilomètres plus loin. L'irruption soudaine de cette jeune femme, qui conjugue à sa beauté crépusculaire une attitude et un comportement rapidement troubles, dans cet univers concoure à appuyer cette sensation.


En conclusion, ne vous attendez pas à une proposition ultra gore, graphique, vous serez déçus, mais si vous êtes comme moi plus sensibles et réceptifs aux peurs qui naissent de l'invisible, des atmosphères oppressantes et terrifiantes de par leur triviales banalités alors vous devriez ici trouver satisfaction. Un dernier argument en guise d'exhortation à découvrir ce film quelque peu oublié, je ne serais pas étonne le moins du monde d'apprendre que des gens comme Tobe HOOPER ou Rob ZOMBIE l'ont vu et aimé.

Créée

le 9 déc. 2024

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