Trahison de l'oeuvre d'origine, traumatisme, aspect trop sombre et parfois dérangeant, personnages troubles, Pinocchio traîne cette réputation et ces a priori comme un fardeau trop lourd pour ses frêles épaules.
Certes, la recherche de l'empathie du jeune public a certainement changé la nature de ce petit pantin de bois, devenu charmant, mais à la fois naïf et influençable. Cependant, à l'instar du conte originel, il traverse, sans être ménagé, des épisodes d'une noirceur inattendue pour un film Disney, supposément considéré de nos jours, à tort, comme family friendly, allant jusqu'à travailler sur une certaine idée de la terreur enfantine et de la claustrophobie. Ou s'aventurer sur le terrain horrifique le temps d'une séquence de transformation ou de poursuite maritime angoissante.
Tout comme cette duplicité mise en scène de manière constante tout au long d'un long métrage d'animation des plus magnifiques, tout en dégageant un sentiment diffus que l'on pourrait définir comme une sorte de malaise.
Alors même que Pinocchio dessine ses premières minutes dans une maisonnette chaleureuse aux allures de cocon protecteur, tapissée de manière incroyables d'un nombre incalculable de coucous travaillés, d'horloges toutes plus inventives les unes que les autres et de boîtes à musique extraordinaires. Preuve d'une animation qui n'a peut être jamais été aussi minutieuse, fourmillant de détails et de génie.
Tout comme l'animation d'un simple chat, instantanément attachant, qui se pare d'un réalisme et d'une drôlerie sans pareils. Tout comme celle d'un pantin dansant avec son créateur ou s'inscrivant dans le spectacle offert au coeur théâtre de marionnettes, sur une chanson aux allures de classique immédiat.
Magie est donc le mot qui reviendra le plus souvent à l'esprit lors de chaque morceau de bravoure d'un film qui n'en manque pas. Rien que la scène où Pinocchio se rend à l'école, tirant un parti proprement hallucinant du procédé de la caméra multiplane, les effets de déformation ou la représentation de l'eau des flaques enchantera le spectateur. Tout comme des influences finalement plus germaniques qu'italiennes le décontenanceront.
Mais jamais ces prouesses, tant techniques que graphiques, ne seront réalisées au détriment du merveilleux du conte et de l'émotion d'un film qui constitue pour certains l'âge d'or du dessin animé. Une oeuvre qui n'a pas attendu quatre-vingts ans pour devenir intemporelle aux yeux de ceux qui ont su aller au delà des a priori pour renouer avec une certaine magie de l'enfance.
Dans tous ses aspects.
Behind_the_Mask, gueule de bois.