You must learn to love someone else. I won't be here much longer.
Quelque chose d'obsédant pousse ces jeunes filles à gravir Hanging Rock. Rien ne les retient, ni les interdits, ni les dangers, ni même la voix hurlante de leur camarade. Quelque chose d'obsédant maintient notre regard sur l'écran. Nous avançons avec elles. Pas parce que le film nous l'impose, mais poussé par le même désir de connaître l'inconnu, de repousser les limites, de satisfaire notre curiosité. Mais soudain elles disparaissent, comme annoncé dans les premières minutes du film.
Les sublimes images, accompagnées par la musique à la fois mystique, envoûtante et magnifique, nous emportent avec elles. Des tableaux s'enchaînent, peints avec le plus grand soin au fil des plans. Le Hanging Rock, le collège, les jeunes filles en robes blanches, tous semblent tirés d'une gigantesque toile. Ce n'est certainement pas pour rien que l'affiche elle-même ressemble à un tableau.
Des rires, des secrets, des sourires, une poésie récitée, des réflexions sur la vie distillées au gré du vent. Des pensées envolées, encore vivantes, prononcées par de futures mortes... ou du moins de futures disparues.
Pique-nique à Hanging Rock, c'est cette atmosphère quelque part entre la poésie et la peinture, c'est cette contemplation continue. Mais c'est avant tout cette ambiance mystérieuse, tout en non-dit, en sous-entendu. Le spectateur est amené à tout comprendre par lui-même, mais essentiellement à tout ignorer par lui-même. Il cherche, il tâtonne, il cherche des réponses. C'est l'art de la supposition. L'histoire ainsi racontée nous accroche et nous entraîne, nous laissant à notre fascination. Lorsque la musique nous absorbe.
Personne ne sait, tout le monde cherche, les questionnés oublient. Les personnages n'exposent que très rarement leurs théories à l'oral, on préfère se taire. Et pourtant, même s'ils ne disent rien, leurs pensées crèvent l'écran. Leurs regards en disent long, leur muette souffrance brise le coeur. Cette disparition aura des répercussions auprès des humbles gens vivants aux alentours, mais tous auront des réactions différentes. Tous humain, les personnages tournoyants autour de ce mystère apporteront chacun leur tour leur ressenti, leur expérience, leur personnalité et leur humanité.
Et même si le film reste très silencieux, ses thématiques frappent : la soif de se libérer, l'inhibition et l'expression du désir, l'interdit, la pureté infantile, la sexualité, et j'irai même dans mon interprétation jusqu'à l'homosexualité. La tentation de ses jeunes filles les unes envers les autres, la tentation des jeunes hommes envers ces filles.
La critique de #IsMondire présente l'escalade du Hanging Rock comme une métaphore représentant la perte de la virginité. Je trouve cette théorie pleine de sens.
Mais c'est ce mystère sa plus grande force et le talent avec lequel il est entretenu. Au sein de l'histoire, les pistes se croisent, les individus enquêtent, les explications des plus farfelues aux plus crédibles mais horribles sont imaginées. Au sein des spectateurs, le mystère continue de vivre, ne cherchant non plus à expliquer cette disparition mais cherchant le sens de ce film, ce qu'à voulu exprimer Peter Weir, les messages cachés qu'il nous faut dénicher.
Cette toile mystérieuse navigue entre deux mondes, la blancheur des robes des filles face à la noirceur des robes des femmes, la lumière vive dans la nature face à l'obscurité austère du collège. La liberté face au cloisonnement, la pureté face à la fermeté.
Chacun fera alors appel à son ressenti pour trouver ses propres réponses à tous ces mystères. Hypnotique et fascinant, Pique-nique à Hanging Rock ne plaira pas à tout le monde mais sa poésie et son mystère ne pourront vous laisser complètement insensibles.