Au cinéma, la Saint-Valentin est surtout propice à exécuter des slashers plus ou moins hargneux. Ou à faire fondre les coeurs les plus guimauves avec des comédies romantiques.
En Australie, en 1975, la Saint-Valentin était l'occasion, pour Peter Weir, d'explorer des genres beaucoup plus inattendus sur grand écran. Car Pique-Nique à Hanging Rock exhale une atmosphère étrange et pénétrante, une fragrance d'histoire vraie écrasée par la chaleur et la lascivité.
D'autant plus étrange que film en rappelle d'autres, de manière tout à fait déconcertante : comment ne pas penser tout d'abord à sa très large influence sur Sofia Coppola et la fascination entourant ses soeurs Lisbon qu'elle mettait en scène dans Virgin Suicides ? Tandis que l'influence inexplicable de cette montagne est la même que celle animant Rencontres du Troisième Type, ou que ce dérèglement d'un collège de jeunes filles est similaire à celui du pensionnat des Proies.
D'autant plus étrange que si l'ambiance est à la fête, les paysages ensoleillés et que les gloussements gourmands se font entendre, il y a aussi comme un poids, un refoulement, une répression de ces jeunes filles enfermées, vêtues de blanc, à qui l'on essaie d'enseigner les bonnes manières d'une société victorienne puritaine que l'on sent sur sa fin, voire anachronique.
La fin d'un monde et d'un microcosme que ces jeunes filles, inconsciemment, semblent vouloir fuir alors qu'une sorte d'appel, dehors, les poussent à rêver d'ailleurs.
Un appel en forme de grondements sourds et inquiétants, d'acouphènes d'une montagne qui semble en avaler certaines, comme des visages qui semblent se deviner dans ses reliefs et dans des rêves semi conscients. Un appel soutenu par le chant des flûtes de pan de Gheorghe Zamfir et la mélodie hypnotique de Bruce Smeaton.
Avec ces disparitions mystérieuses, l'univers de Pique-Nique à Hanging Rock conjugue le drame adolescent et le rêve évanescent au goût de flânerie, le fait divers et la lisière du fantastique en faisant arrêter le temps et flancher les mémoires. Au point de faire de cette montagne un lieu d'abandon et de secret. Et de fin de l'enfance laissant la place à un sous-texte à tendance érotique.
Pique-Nique à Hanging Rock illustre avec une subtilité rare l'invisible des forces de la nature et tout le souffle sacré émanant de cette terre aborigène. Peter Weir, quant à lui, et à l'image du roman qu'il adapte, s'intéresse plus au voyage qu'à sa destination, préservant jusqu'au bout le mystère de ses disparitions. Et si quelques sous-intrigues épaississent parfois plus que de raison l'histoire, le pouvoir de fascination qu'elle distille demeure cependant intact, portant le film au rang d'objet cinématographique troublant et inclassable.
Behind_the_Mask, dont la disparition du site ne sera jamais considérée comme inquiétante.