SMELLS LIKE TEEN SPIRIT ? Un de ces films qui vous ensorcellent lentement, vous enveloppent dans une atmosphère onirique avant de vous abandonner avec un vide vertigineux. Une œuvre qui prétend être un fait divers, mais qui n’est qu’une illusion parfaitement construite, renforcée par l’ambiguïté du roman de Joan Lindsay, qui laissait planer le doute sur la véracité de l’histoire. Un coup de génie littéraire et cinématographique : nous faire croire que cette disparition a existé, alors que tout est fiction.
Ce qui fascine avant tout, c’est l’ambiance surnaturelle qui émane du film. La montagne de Hanging Rock devient une entité quasi mystique, qui semble exercer une attraction irrésistible sur les jeunes filles. Les montres qui s’arrêtent, la présence d’un nuage noir, l’impression d’un passage vers une autre dimension… autant d’éléments qui laissent deviner une force inconnue à l'œuvre. Mais rien n'est jamais confirmé : le film ne donne aucune explication, préférant laisser le mystère intact, alors même qu'un dernier chapitre du roman, non publié du vivant de l'autrice, proposait une résolution plus explicitement fantastique. En nous privant de cette clé, Weir fait du film un pur exercice de nihilisme : tout reste en suspens, et nous devons accepter le vertige de l'inexplicable.
La mise en scène est sublime : des images vaporeuses, presque irréelles, renforcées par la musique envoûtante de Gheorghe Zamfir, dont la flûte de pan semble provenir d’un autre monde. Cette bande-son, comme tout l’aspect visuel du film, est un modèle de perfection esthétique, à tel point que l’on ne peut s’empêcher de voir dans l’œuvre de Sofia Coppola une immense révérence (pour ne pas dire un pillage total). The Virgin Suicides (1999) en particulier reprend tout : la même lumière, le même mystère, la même fascination pour des jeunes filles éthérées promises à la disparition. Mais là où Coppola transforme la mélancolie en esthétique indie chic, Picnic at Hanging Rock vous happe dans un abîme bien plus troublant, profond et dérangeant.
Reste la question de l’action des deux jeunes hommes qui aperçoivent les filles avant leur disparition. Que savent-ils ? Que font-ils ? Le film, toujours dans son refus de toute résolution, ne s'y attarde jamais vraiment, laissant cette piste comme une ombre menaçante qui ne prendra jamais forme.
En refusant toute explication et en s’appuyant sur la mystique du paysage australien, Peter Weir signe un chef-d’œuvre absolu du cinéma atmosphérique, un film où le mystère n'est pas une énigme à résoudre, mais une expérience à ressentir. Chef d'œuvre.
"I know that Miranda is a Boticelli angel." "Everything begins and ends at exactly the right time." "Miranda knew she wouldn't come back." "people sit on cold steps when they are weak in the head."