A ma droite un galion, le Neptune, avec à son bord un trône aztèque en or, une jolie noble espagnole, un capitaine mourant, un prêtre pleutre, un officier en second ombrageux. A ma gauche, un radeau avec le capitaine Red (Walter Matthau), que tout le monde croit mort, et un jeune premier, La Grenouille (Cris Campion). Red, recueilli sur le galion sans avoir dévoilé son identité, organise une mutinerie. Mais l'officier réussit à s'enfuir. Red revient dans le port espagnol où est amarré le Neptune, tente de voler le trône, se fait emprisonner, s'évade, poursuit le Neptune, laisse échapper l'officier et la fille, mais garde son trône.
Un film qui dès la première scène démonte le mythe du pirate au grand coeur : Walther Matthau campe un vieux pirate cacochyme uniquement intéressé par la bouffe, la bamboche et le fric. Il cumule les disgrâces : jambe de bois rabotée, faim qui le pousse à essayer de manger son associé, rat qu'il faut manger sous la menace, trébuchages multiples liés à la jambe de bois, etc...
Beaucoup d'éléments sont parodiques dans ce film, à commencer par la bluette centrale : la noble semble assez imbue d'elle-même ("Mon père, montrez-leur que ma vertu vaut un trône - Certainement pas ! Vous verrez ce que vaut un gouverneur espagnol" ) ; le héros est uniquement obsédé par la fille ("La Grenouille, viole ! - Capitaine vraiment là je ne peux pas") ; le gouverneur qui résiste aux menaces sauf si l'on touche à son pied atteint de la goutte ; l'équipage très malléable, qui penche tantôt coté pirate, tantôt coté espagnol, sans états d'âmes ; le black déguisé en duègne qui court comme un dératé dans les rues du port, effrayé par les hurlements des chiens ; l'épreuve de la "corrida du pirate" (un duel de prisonniers formant une piramide humaine). On est du côté de la farce, voire du cartoon.
L'image est très réussie et les combats sont tout de même épiques, même s'ils incluent beaucoup d'humour. La seule scène vraiment ratée est celle où le black, pris dans des sables mouvants, se libère d'un boa très très mal animé en lui tirant dans la bouche. C'est gratuit et mal foutu. L'épilogue est également un peu vite torché à mon goût, on aurait aimé un effet de clôture plus travaillé qu'une fermeture à l'iris façon longue-vue.
Enfin, c'est un film que bizarrement j'ai eu plus de plaisir à regarder en V.F. qu'en V.O.
Pour résumer, "Pirates" manque de peu d'être au film de pirates ce que "Le bon, la brute et le truand" fut au western : une synthèse majeure qui dévoie tous les codes et les mine de l'intérieur. Et de fait, le genre du film de pirates connaîtra une sacrée pause avant de revenir avec "Pirates des Caraïbes". Cela dit, il ne fait que jouer intelligemment avec les codes (comme "Le bal des vampires" avec le film de vampires). Prendre un peu de recul par rapport au genre pour délivrer un discours plus général sur le cinéma aurait fait de "Pirates" autre chose qu'un très savoureux divertissement.
+ Merci à Julie de m'avoir conseillé ce film.