C'est le grand retour en compétition officielle de Christophe Honoré. Après la sélection de son plus beau film, Les chansons d'amour, en 2010, voici Plaire, aimer et courir vite, une ode au dernier amour, celui qui ne pourra être vécu pleinement. Un beau film déchirant, qui n'a cependant pas convaincu le jury... puisqu'il est reparti bredouille de Cannes.


Retour à l'intime


Après être passé par l'adaptation des Métamorphoses d'Ovide et des Malheurs de Sophie de la comtesse de Ségur, Christophe Honoré revient aux sources : au cinéma qui l'a fait connaître, ce cinéma de l'intime qui lui sied si bien. Car si Plaire, aimer et courir vite n'est pas strictement autobiographique, nombre de détails sont là pour rappeler qu'Arthur, ce "breton bizarre" magnifiquement incarné par un Vincent Lacoste aussi drôle qu'attachant, n'est autre qu'Honoré à 20 ans. Ce film, le réalisateur explique le dédier à tous ceux qui lui ont permis de devenir celui qu'il est aujourd'hui. Tous ces écrivains ou metteurs en scène, Koltès, Demy, Lagarce, Collard et bien d'autres, qu'il n'a pas pu rencontrer, fauchés par le sida. Ces figures tutélaires sont, si l'on peut dire, incarnées à l'écran par Pierre Deladonchamps, qui prête son corps au personnage de Jacques. Écrivain parisien des années 1990, père d'un petit garçon, il rencontre Arthur, étudiant fougueux, dans la pénombre d'une salle de cinéma rennaise. Le jeune homme, peu captivé par La leçon de piano, est attiré par l'homme qui vient d'entrer dans la salle. Jacques le remarque, s'installe à ses côtés, le jeu de séduction peut commencer. On se retrouve alors face à l'une des scènes les plus remarquables du film : entre les nuques des deux hommes qui se cherchent défilent les images du film de Campion. Un jeu entre beauté formelle et pureté de l'émotion qui court durant les deux heures et quelques que dure le long métrage, entièrement dédié à cet amour impossible. Si de prime abord le sujet, à savoir la rencontre de deux hommes durant les années sida, laisse entrevoir une comparaison avec le poignant 120 battements par minute, couronné du Grand prix l'an passé, le rapprochement est on ne peut plus erroné : là où Campillo proposait un film porté par le collectif bien que non dépourvu d'une belle histoire d'amour, Honoré choisit l'intime d'une relation qui ne pourra éclore, fauchée par la maladie.


Bleu mélancolie


Sur un sujet donc grave, Plaire, aimer et courir vite reste empreint d'une légèreté, d'une douceur, d'un humour aussi, qui doivent beaucoup au travail du réalisateur. La fluidité de la mise en scène, précise et délicate, laisse entrevoir de réels moments de poésie, telles ces rencontres d'après minuit entre hommes esseulés chorégraphiées comme des ballets. Les comédiens ne sont pas en reste. Pierre Deladonchamps et Vincent Lacoste, déjà évoqués, sont parfaitement complémentaires, l'entrain juvénile de l'un réveillant la sourde résignation de l'autre dans un doux jeu d'équilibristes. Mais n'oublions pas Denis Podalydès, magistral dans le rôle de Mathieu, l'ami confident de Jacques, aussi drôle qu'attachant. Aucun doute n'est possible, Honoré a pensé à tout – ce que d'aucuns peuvent lui reprocher – et livre un onzième film entièrement maîtrisé. De la bande originale, constituée de pépites dont la si belle déclaration d'amour d'Anne Sylvestre aux gens qui doutent, au minutieux travail sur la couleur bleu en passant par les nombreuses références littéraires ou cinématographiques, le réalisateur livre son film le plus abouti. Chacun de ces éléments participe à la création d'une atmosphère tendrement mélancolique, convoque la nostalgie sans pour autant éradiquer tout espoir. Car plus qu'un film sur la mort ou le fléau du sida, Plaire, aimer et courir vite est un hymne à la vie. Arthur a encore tout à vivre, sans Jacques certes, mais il est prêt à commencer sa vie d'adulte. A Paris. Telle qu'il l'avait rêvée.


Publication originale sur likeinthemoviesblog.wordpress.com

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le 22 mai 2018

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