Parcouru par une funeste légèreté, Plaire, Aimer et Courir Vite séduit autant qu’il émeut, amuse autant qu’il bouleverse. Signant l’un de ses films les plus forts, et sans doute le plus ténu, Christophe Honoré choisir l’épure, soignant les mots et les maux plutôt que de multiplier les effets.
Un an après 120 Battements Par Minutes, Cannes offre à nouveau son écho à un film abordant les années 90 et les ravages du sida. Mais là ou 120 BPM avait la rage et l’énergie d’une œuvre à la fois militante et passionnelle, Honoré livre un mélo intimiste, apaisé et fulgurant, à hauteur d’hommes. Il le fait avec finesse, alternant frivolité et gravité, parfois brutalement, comme si la vie pouvait vous rappeler en quelques secondes qu’une réalité violente peut parfois effacer la perspective d’un avenir heureux.
Sa mise en scène est sobre, laissant ses personnages s’exprimer, se séduire, s’apprivoiser. Elle crée le temps et l’espace nécessaire aux échanges et à des dialogues brillants sans être sur-écrits. C’est une douce poésie moderne et contemporaine, qui sied parfaitement à ses personnages aux affinités littéraires évidentes. Et le scénario est souvent drôle, porté par une certaine insouciance. Le contraste avec les rappels brutaux et mortifères de la maladie est d’autant plus terrassant quand ils surgissent à l’écran. Un contraste qu’on retrouve dans la réalisation d’Honoré, qui filme de très beaux moments de complicité, ceux d’un amour naissant, sans rien nier de la brutalité des rapports et de l’horreur de la maladie.
Leur histoire est au final celle d’un combat entre espoir et fatalité. La désinvolture d‘Arthur, son impatience, sa persévérance toute bretonne se heurtent au refus de Jacques de s’abandonner à nouveau au sentiment amoureux alors qu’il se sait condamné.
Et pourtant ce couple est beau, incandescent. Et évident (ce qui n’avait rien d’une évidence).
L’élégance triste et raffinée de Pierre Deladonchamps offre un contre-poids idéal à la décontraction juvénile de Vincent Lacoste, si juste et naturel. Le comédien révélé par le génial les Beaux Gosses plonge dans l’univers d’Honoré avec une facilité et une aisance déconcertante. Sa répartie donne au film ce qu’il faut de légèreté pour lui permettre de trouver ce difficile équilibre entre légèreté et drame.
Plaire, Aimer et Courir vite est une chronique à la fois solaire et crépusculaire sur un premier et un dernier amour. Une œuvre magnifique portée par l’amour et hantée par la mort.