Voilà un film sur lequel je misais de grands espoirs.
A l'arrivée, un mélange de satisfaction réelle (le film reste très plaisant) et de cruelle déception (ça aurait pu être tellement mieux...).


Je reviens brièvement sur le pitch : à la croisée des chemins, un jeune quadragénaire décide de revoir l'intégralité des rushes de sa propre existence, lui qui filme tout depuis l'âge de 13 ans, lorsque ses parents lui ont offert un caméscope.


Pour tous les membres de cette génération dont je fais partie, "Play" procure une sensation de mimétisme incroyable, tant on se retrouve dans quantité de séquences : un pote hyper ressemblant, une vanne entendue à l'époque, une situation vécue, un tube de l'été, une joie collective lors des évènements marquants de cette période (Coupe du Monde 1998, passage à l'an 2000)…


Le sentiment d'identification est impressionnant, tant le réalisateur Anthony Marciano ("Les gamins") est parvenu à donner une portée universelle à ses propres souvenirs - et tant les modes de vies ont tendance à s'uniformiser, aussi, sans doute…
Dans ces conditions, il me paraît difficile de détester le film lorsqu'on a été ado dans les nineties, puis jeune adulte dans les années 2000, d'autant que le rendu visuel est très réussi, l'humour souvent efficace, et la bande originale touche à la perfection (mainstream mais pas trop).


Mais le drame de "Play", c'est ce que Marciano fait (ou plutôt ne fait pas) de ce formidable matériau, restant 90% du temps dans les clous de la comédie potache, à l'image de son héros immature qui n'évolue pratiquement pas tout au long du film (ok il refuse de grandir, mais quand même), sauf opportunément au moment du dénouement (très faible), où Max devient miraculeusement un jeune homme responsable désireux de fonder une famille avec sa chère et tendre. On a connu psychologie plus subtile et plus progressive…
Dans cette façon de forcer le happy end, "Play" m'a d'ailleurs rappelé "Mon inconnue", autre rom'com' française attachante qui refusait hélas d'approfondir son sujet.


Car "Play" ne sera définitivement pas le grand film sur les occasions manquées et les regrets d'une vie, ne s'aventurant pratiquement jamais sur le terrain de l'amertume, de la réflexion ou de l'émotion véritable : les événements désagréables sont simplement zappés (le 11 septembre, le terrorisme en France…), et chaque fois que l'on s'approche de questionnements existentiels, le jeune réalisateur (par ailleurs limité dans le registre de l'émotion par son dispositif contraignant) prend soin de bifurquer rapidement vers la gaudriole.
C'est un parti-pris, soit, mais je le regrette car il y avait matière…


On devra donc se contenter de souligner la reconstitution soignée, la mise en scène créative, et les choix de casting pertinents sur trois périodes distinctes, à l'exception notable de Max Boublil, peu à l'aise hors de la déconne, à l'inverse d'Alice Isaaz, très juste comme toujours, et capable de nous faire croire easy qu'elle a 15 ans comme 35 (c'est la seule qui conserve son rôle sur deux époques).


Si l'on considère "Play" comme une simple comédie française, le film se situe trois crans au-dessus de la concurrence (c'est souvent drôle, clairement). Mais Anthony Marciano galère pour construire des personnages complexes et une véritable intrigue, et choisit de se limiter à un registre potache, empêchant ainsi son troisième long-métrage d'atteindre l'amplitude et la profondeur que le sujet méritait.

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le 20 janv. 2020

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Val_Cancun

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