En Suède, tout le monde porte des doudounes de ski même quand il n'y a ni neige ni pente. Un des aspects pratiques de cet accoutrement, nonobstant la protection contre le froid, est la multitude de poches qu'il propose pour y glisser vos effets personnels. Vous pouvez ainsi mettre vos gants dans les poches latérales extérieures, votre portefeuille dans la poche intérieure et votre téléphone portable où bon vous semble. Et si possible dans un endroit facile d’accès afin de pouvoir le sortir facilement si une bande de jeunes le réclame pour un contrôle qualité intempestif. Sébastian, Anas et Alex, jeunes ados doudounés, l’ont bien compris et ils n’opposent aucune résistance lorsqu’un groupe de petites frappes facétieuses leur demande de jeter un œil sur le smartphone dernier cri soutirés à papa pour un anniversaire. Il faut dire que ces facétieux à bonnets sont nombreux, qu’ils ont la tchatche anodine mais le ton menaçant. Sébastian, Anas et Alex se retrouvent alors embarqués dans une virée dont personne ne sortira indemne. Les agressés, les agresseurs, les spectateurs.
Play est un film choc, un film qui vous attaque les nerfs de manière insidieuse et qui ne vous lâche plus. Pas d’action survoltée, pas de violence physique, juste une banale histoire de racket (basée sur des faits réels) habilement mise en scène par le réalisateur de Snow Therapy, Ruben Östlund. Les tensions sociales, raciales et politiques entre les différents protagonistes sont sans cesse présentes, elles questionnent notre propre vision du vivre ensemble et remettent en cause nos préjugés et certitudes. Ne vous attendez d’ailleurs pas à y trouver des réponses ou de messages clairement exprimés, Ruben Östlund se contente d’exposer des situations explosives (et qui n’explosent jamais…ou presque) dans un langage cinématographique où la caméra n’est que le témoin plus ou moins volontaire d’une agression « pacifique », agression comme celles auxquels on peut assister presque quotidiennement dans le métro parisien. C’est là toute la puissance du film, nous confronter à nos propres convictions et nous imposer une remise en question qu’on aurait peut-être voulu éviter.
Le résultat est une bonne grosse claque (c’est le moto d’Outbuster) que le journaliste du Dagens Nyheter, Jonas Hassen Khemiri, s’est pris en pleine face puisqu’il vous indique ici les 47 raisons pour lesquelles il a pleuré devant PLAY.