Que faire, et comment réagir face à une possible disparition de sa langue ? de sa culture ? Poet est un beau film Kazak', abordant le thème de l'hégémonie culturelle moderne et du sentiment de solitude qu'elle procure.
Dans "la société du spectacle", Guy Debord met en garde son lecteur face à une passivité de l'individu, d'abord au sein des conditions imposées dans son travail, mais également au sein d'une culture marchande au service de la mise en veille de son cerveau, par le moyen de la création d'un désir matériel qui serait non réellement voulu par l'individu. Au sein de cette société, les individus seraient socialement séparés par une communication brouillé par le contexte. De mon point de vue, ce film s'inscrit totalement dans cette analyse.
Le film nous présente deux histoires, une moderne et une plus ancienne, les deux sont en quelques sortes les miroirs de l'une et l'autre. La plus ancienne, nous présente l'histoire d'un poète révolutionnaire kazak, mais surtout des évènements qui ont suivi sa mort. L'autre histoire, moderne et dans ce temps présent, nous présente un jeune poète qui se sent toujours en décalage avec les normes de la société actuelle.
A travers la mise en scène, on ressent la gêne du protagoniste à se sentir que trop rarement connecté avec les personnes qu'il rencontre et les normes en vigueur. Que ce soit à travers un jugement sur ses chaussures, sortir par une porte, trainer dans un magasin d'électroménager... L'argent ne l'intéresse pas, ce qui compte pour lui c'est son amour pour la poésie. Et c'est cet amour qui le sépare des autres individus absorbés par des objets issus de la production capitaliste et d'une culture occidentale. Et cette solitude s'exprime aussi par la peur de voir son art disparaître, ainsi que sa langue...
On soulignera tout de même la scène où une jeune femme béguë lui avouera son admiration et lui récitera un de ses poèmes préférés malgré ses difficultés d'élocution, et ceci dans une salle vide, destinée normalement à l'accueil de beaucoup de spectateur.
L'association de cette histoire avec l'héritage laissé par le poète révolutionnaire est aussi saisissante. Dans le sens où le poète nous est présenté comme un personnage important de l'histoire de la révolution kazak, ce qui ne l'empêchera pas de tomber dans l'oubli... avec son art
On regrettera tout de même quelques facilités. Premièrement, la première scène où dans une pièce divers individus parlent entre eux de l'état actuel de la culture kazak, entre la disparition de sa langue et de sa culture propre. Le réalisateur cherche à nous contextualiser les propos du film, sans trop chercher à être subtil. On pourrait également regretter une forme de manichéisme forcé, avec toute une société quasiement aliéné, et quelques survivants bien seul..
Le protagoniste est très mou, cela peut créer des moments de gêne chez le spectateur. Si ceci peut être pris comme un défaut, de mon point de vu ça appuyait entre plus la sensation de solitude du personnage.
Mais peut être est ce juste une erreur dans mon analyse et mon ressenti. Globalement le film est très beau, et son manichéisme cherche à appuyer les propos forts et intéressant du réalisateur.