Avant toute chose, je dois préciser que je croyais adorer Kerven et être relativement indifférente à India Hair. Eh bien il s'avère finalement que j'adore toujours Kervern et... que j'ai fini par craquer pour India Hair à mon tour. Peut-être cela tient-il au rose volontairement maladroitement appliqué dans ses cheveux, couleur joliment utilisée pour signifier le féminin ou simplement, la douceur (quoique Nietzsche soit rose lui aussi, comprenne qui pourra). Couleur que l'on retrouvera, soit dit en passant, également sur la perruque de Scarlett Johansson dans Lost in Translation de Sofia Coppola. Doit-on douter de l'influence ?
Ou bien cet attachement est-il dû aux deux fossettes creusées sur ses joues lui donnant ainsi un air tendre et sympathique ? Après tout, qu'importe, on comprend assez bien le choix du casting et, spoiler alerte : le film fonctionne en grande partie grâce à ces deux illuminés.
Mais trêve de divagations, passons au pitch: dans un futur par si lointain, la Terre -enfin, la mer, pour être plus précis- s'est trouvée dépeuplée de ses poissons (ce qui nous pend clairement au nez). Une bande de scientifiques un peu losers s'évertue, tant bien que mal, à aider les deux derniers spécimen en leur possession, Adam et Eve, à se reproduire. Et ça tombe plutôt bien, parce qu'en parlant de reproduction, Daniel, l'un des physiciens missionnés pour aider Adam et Eve dans leur projet existentiel, rêve lui aussi d'assurer sa descendance et, ainsi, de compléter le magnifique arbre généalogique qui décore avec goût le mur de son salon. Seul hic, son horloge biologique tourne (pour une fois qu'on point du doigt celle des hommes!), et des femmes en âge d'avoir des enfants, autour de lui, ça ne court pas les rues.
Le scénario est simple et le film repose finalement beaucoup sur la construction de ses personnages. Tous sont incroyablement solitaires et inaptes dans la gestion de leur propre personne, sans compter qu'ils demeurent dans une misère sentimentale et sexuelle étrangement proche de celle de la vie aquatique qui les entoure. Une grande douceur et une poésie émergent du cadre marin et de ses couleurs pastel. Une grosse pincée d'absurdité et d'évènements loufoques viennent s'ajouter à la recette pour mieux réchauffer le cœur du spectateur, l'envelopper dans un petit écrin de velours. Kervern et Hair, duo tragicomique de ce cinéma indépendant, tissent alors ensemble des liens auxquels l'on ne peut que s'attacher à notre tour.
Pourquoi diable aime-t-on autant cette fragilité, cette impossibilité à être au monde et à ses multiples résolutions hasardeuses dans le cinéma ?
En tout cas une chose est sûre. Si, comme moi, vous aimez les anti-héros, les (co)productions belges et les plages, allez voir Poissonsexe. Ses imperfections pourtant bien visibles (quelques problèmes de rythme, un montage parfois trop « visible »...) lui confèrent un charme bien particulier, et l'on se laisse prendre au jeu de sa légèreté avec plaisir, pour peu qu'on soit en recherche de good feelings au moment du visionnage.
Notes personnelles supplémentaires : un jour après avoir vu le film, je ne sais toujours pas ce que je pense de la différence d'âge bien visible entre les deux personnages principaux. Cela dit, une histoire se joue en parallèle entre Daniel et un personnage féminin plus âgé... alors, est-ce que « du coup, ça passe ? ». Leur association, comme dit plus haut, me fait penser au duo Johansson/Bill Murray dans Lost In Translation, dans un tout autre registre. Je ne peux pas m'empêcher de me demander si c'était un tant soit peu volontaire de la part du réalisateur.
Petit + également pour : Ainsi parlait Zarathoustra, bouquin incroyable pour qui en douterait encore !