Plus qu’un film policier, Police sur la ville est un film de personnages. Un film de personnages qui permet de plonger dans le quotidien de flics de la rue, d’un chef de la police et du préfet de police. Chacun avec ses turpitudes, ses zones d’ombre, ses paradoxes. Le métier de chacun, qui est aussi un devoir, est au cœur d’une histoire qui s’invite aussi dans la vie de couple des uns et des autres.
En 1968, le polar est clairement à la croisée des chemins. Il est en passe de se réinventer, lui qui est le miroir de son époque. La ville avec ses quartiers et ses personnages interlopes apparaissent et annoncent ceux qui peupleront les polars urbains à venir. Les hommes de loi sont autant des hommes décidés à mener à bien leur mission, quitte à mordre la ligne blanche, pour assurer la sécurité que des solitaires à la vie sociale et amoureuse orageuse, éloignée des principes qu’ils tentent de s’imposer dans leur métier. La ville est plus crasseuse dans tous les sens du terme. Les zones grises plus nombreuses. Les hommes de loi sont autant animés de convictions que de doutes.
Entre le cinéma à l’ancienne avec ses transparences ou ses scènes de studio et le cinéma de la nouvelle vague américaine avec sa ville-personnage, son aspect documentaire et ses éclairs de violence, le film est un parfait trait d’union. Son magistral trio d’acteurs participe à cette transition. Ces acteurs incarnant l’Âge d’Or d’Hollywood auraient également fait merveille dans un cinéma plus moderne. Richard Widmark, étrangement délaissé dans les années 70, est, comme toujours, remarquable dans son rôle de flic obstiné. Henry Fonda, parfait en préfet de police raide mais humain, ne sera pas non plus de la noce dans cette nouvelle grammaire cinématographique.
Entre deux scènes d’action sèches et remarquablement menées (en ouverture et en clôture), le film n’est pas véritablement trépidant. Beaucoup lui reprochent d’ailleurs sa mollesse. L’enquête est cependant intéressante, elle permet de voir le quotidien d’un flic de la rue, s’appuyant sur ses indics pas tous recommandables, un peu cassés, qui lui permettent de remonter la piste qu’il recherche. Celle-ci est agrémentée de quelques belles répliques même si on n’en est pas encore aux grandes punchlines qui ne tarderont pas. Le tout baigne dans une atmosphère mélancolique, parfois un brin mélodramatique. Les affaires de cœur des uns et des autres sont un bel éclairage sur leur personnalité et leurs turpitudes. Elles renforcent le caractère social de ce polar qui a beaucoup de choses à dire sur ses personnages et sur son époque.
La réalisation dans la foulée d’Un Shérif à New-York, moins fouillé sur le plan psychologique mais plus nerveux, apportera une autre clef d’entrée pour peaufiner un Inspecteur Harry clairement en gestation. Celui-ci sera plus cynique, le monde décrit plus violent, mais le glissement mis en scène ici en annonce déjà l’arrivée.
A noter qu’une série, Madigan, verra le jour en 1972. Dans l’esprit du film, elle aura aussi davantage le ton des polars urbains avec un flic plus obtus encore. Il est regrettable que cette trop courte série soit si méconnue.