Après un premier film où Maïwenn s'attaque à l'univers familial, en particulier à la figure paternelle au comportement violent, la réalisatrice décide de nous dévoiler le quotidien de la BPM. Elle semble être attachée à la thématique de l'enfance, toujours en lien avec un passé difficile ou un événement destructeur. L'univers de cette brigade très spéciale est dévoilé de manière simple. La construction du film est réalisée intelligemment, donnant parfois à la fiction des allures de documentaires, tout en projetant des sentiments forts.
Maïwenn travaille toujours avec une petite équipe de tournage permettant de créer une bulle intimiste pour aller au plus près de ses personnages. Elle a la bonne idée de se mettre en scène de manière discrète, incarnant une jeune photographe timide qui réalise une série de portraits. Son personnage permet d'être l'oeil du spectateur et ainsi d'observer de manière plus intime ces policiers. Elle est le médium qui permet de passer au travers de l'écran, nous donne à voir ce métier qui la touche et nous transmet ainsi ses propres émotions.
Le ton humoristique du film pourrait choquer certains spectateurs, il est difficile de rire du sujet en général, mais la réalisatrice arrive à développer une veine comique de manière intelligente et non vulgaire. La scène où une jeune fille raconte qu'elle a fait des gâteries à ses copains pour récupérer son téléphone portable est à mourir de rire. Si le public se sent coincé dans une sorte de gêne liée aux faits, l'intonation du film et le point de vue des brigadiers permettent de relativiser les actes sans leur faire perdre leur importance ou leur gravité.
La réalisatrice s'est de nouveau entourée de ses acteurs favoris, Karin Viard, Marina Foïs et Joeystarr mais également de nouvelles têtes comme Jérémie Elkaïm et Nicolas Duvauchelle.
Le duo Karin Viard/Marina Foïs est attachant, oscillant entre une complicité brutale, parfois drôle mais le plus souvent en souffrance. On aime voir Karin Viard (La tête de maman, Ma part du gâteau) sortir de ses gonds, prête à casser la figure de sa partenaire. Marina Foïs (Le code à changé) est encore cantonnée dans un rôle cynique, rigide et parfois manquant de féminité. Le fil d'intrigue tissé autour de son personnage permet de soulever des questions en lien direct avec son travail dans la brigade (on imagine qu'elle aurait pu aussi être violée) et ainsi d'instaurer une continuation entre l'enfant et l'adulte.
La relation qui se crée entre Joey starr et Maïwenn adoucit la lecture du film, favorisant des moments de respiration dans un univers étouffant et brutal. Jérémie Elkaïm, l'acteur principal de La guerre est déclarée, s'en sort ici bien mieux, dans un personnage plus « intellectuel » tout en restant dans un jeu amateur qui sonne parfois faux.
Malgré un casting 5 étoiles, il ne faut pas oublier les enfants qui ont su être touchants et vrais. La réalisatrice évite la caricature de l'enfant intelligent ou dans le sur jeu. La scène où le jeune garçon est séparé de sa mère est bouleversante, portée à la fois par la douleur de l'enfant et l'émotion de Joeystarr.
Le titre du film Polisse, avec cette belle faute d'orthographe, intrigue. On pourrait l'analyser rapidement en comprenant que c'est un enfant qui l'a écrit. La réalisatrice l'explique comme un cri d'enfant appelant au secours. Et cette image est à mon avis la meilleure représentation que l'on peut se faire du film : un appel au secours, des enfants qui souffrent, des adultes qui tentent de gérer les situations au cas par cas, la souffrance d'un être humain... Polisse pose la question des comportements des hommes au travers d'histoires réelles, d'atrocités faites à ces enfants. L'univers est cruel et ne laisse pas la place aux faibles. Les différentes situations traitées par la police permettent de brosser un portrait assez large du métier sans les enfermer dans une généralité toute noire ou toute blanche. La scène finale est ressentie comme un vrai coup de poing, à la fois du côté de l'enfant victime que du côté de la brigade. Au-delà des questions sur les côtés sombres de la nature humaine, Maïwenn s'interroge sur le cocon familial, les rapports parents/enfants mais également parent/parent, la place du couple, la place de l'amour...
Bilan : Polisse est un film dur, violent et fort qui s'attaque au thème difficile de la maltraitance des enfants sous toutes ses formes (mais surtout sexuelle). La brutalité du sujet est portée par une humanité et une fraîcheur qui permettent à Polisse d'émouvoir sans en faire des tonnes. Un film très réussi qui donne à réfléchir !
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.